Le groupe rétro le plus déjanté du monde renoue avec sa veine « shoegazer » des débuts. En oubliant au passage les chansons.
On attendait avec intérêt cette nouvelle livraison de la bande d’Anton Newcombe, la première depuis que le film Dig ! les a sortis de la confidentialité pour les propulser au rang de super-stars du docu rock. Le BJM n’a pas nécessairement choisi la facilité en choisissant de produire un album très noisy, plus proche du premier opus Methodrone que des pastiches sixties qui font l’essentiel de la bande son du documentaire. En revanche, Newcombe continue de s’adonner avec complaisance à ses délires provocateurs – choisissant apparemment de s’identifier, en dépit de ses véhémentes protestations initiales, avec son personnage du film. En témoignent les titres, plutôt colorés, des morceaux de l’album, de “Just Like Kicking Jesus” à “Automatic Faggot for the People”, en passant par “Who Fucking Pissed in My Well”… Dans ce registre, la palme revient sans conteste à “Bring Me the Head of Paul McCartney on Heather Mill’s Wooden Peg (Dropping bombs on the White House)”.
On en oublierait presque la musique… Et c’est justement le problème. Pourtant, BJM excelle habituellement dans l’exercice qui consiste à singer les gloires du passé – avec juste ce qu’il faut d’avant-gardisme et de distance ironique pour introduire une réelle touche d’originalité. Ces nouvelles aventures du côté des années 1985-95 s’annonçaient donc prometteuses… Mais si My Bloody Underground s’avère globalement plutôt agréable à écouter, il ne dépasse jamais le stade de l’anecdotique.
Newcombe et ses acolytes alignent riffs et idées inabouties, sans l’ombre d’une construction musicale, avec une paresse désarmante. Rien qui puisse véritablement rebuter pour autant : sonorités psyché vaguement exotiques mais très classiques, intermèdes pianistiques sans grand relief, bruit blanc emprunté à My Bloody Valentine, bande-son d’aéroport à la Brian Eno… On retrouve bien l’amateurisme de la production qui, en donnant un sentiment d’immersion dans un studio de répétition, fait tout le charme des albums du BJM. Mais lorsqu’il s’agit de rivaliser avec Kevin Shields ou Jesus & Mary Chain, difficile de ne pas parler de ratage. Au bout du compte, seul un morceau comme “Just Like Kicking Jesus” tient réellement ses promesses : celles d’une fusion du rock shoegazer et du joyeux bordel psychédélique qui caractérise les meilleurs albums du groupe. Les autres tentatives dans cette direction sont trop maladroites pour être crédibles, lorsqu’elles ne sont pas franchement pénibles à l’oreille.
Newcombe semble avoir oublié que sa réputation de génie maudit ne reposait pas seulement sur un mélange de comportement irresponsable et de sabordage commercial volontaire. Elle tenait aussi à son véritable talent de songwriter, et aux éclairs de génie qui pouvaient sortir de ce tourbillon brouillon et anarchique. Or, ici, on ne trouvera pas une mélodie ou un refrain qui parviennent à atteindre le dixième du charme d’un album comme Thank God for Mental Illness… Dans le meilleur des cas, ce nouvel album fera office de simple fond sonore, rarement déplaisant mais jamais séduisant.
– Lire également nos chroniques de Their Satanic Majesties’ Second Request (1996), Thank God for Mental Illness (1996), Take it from the Man (1996), Give it Back (1997)
– Le site officiel du Brian Jonestown Massacre