L’adage est bien connu dans le milieu du ballon rond, mais vaut aussi d’être convoqué à raison dans celui du jazz : l’accumulation de talents individuels, aussi estimables soient-ils, n’est pas gage de réussite collective. Si sur le papier la réunion de Joelle Léandre (contrebasse), Marilyn Crispell (piano), Roy Campbell JR (trompette, flûte) et Mat Maneri (violon) avait tout pour nous enthousiasmer, ce concert donné au Stone new-yorkais de John Zorn, en décembre 2006, déçoit au final quelque peu. Et c’est justement le manque de réalisme collectif qui empêche la formation d’atteindre complètement son but – une musique de chambre freessonnante. Pourtant ce set, restitué dans son intégralité, commence sous les meilleurs auspices avec un Roy Campbell posé et méditatif qui se faufile au milieu des autres instruments, déclenchant quelques furias free réjouissantes. Dès ce long morceau (“Part 1”) à la structure complexe un peu trop lâche, qui s’étend sur vingt-cinq minutes, des duos – violon/contrebasse, flûte/contrebasse, piano/violon, trompette/piano, etc. – s’extraient tour à tour et organisent la progression accidentée du morceau. Un motif de l’échange minimaliste largement repris sur les trois titres suivants, au point de progressivement se substituer à l’idée de quartet dont le son d’ensemble s’efface pour ne plus constituer qu’une lointaine rumeur. Si les dialogues épurés demeurent pour la plupart d’envergure (notamment celui tout en cordes tendues confrontant Joelle Léandre et Mat Maneri sur “Part 2”), les musiciens mis successivement au ban pèsent par leur absence, en rien comblée, et tendent à isoler chaque duo à la manière d’un îlot perdu dans l’océan. Manquent alors le liant et l’élan d’une force collective plus soutenue qui permettraient aux improvisations de cheminer vers un horizon commun, trop souvent éludé ici.
– Le site de DMG