Imaginez-vous danser pieds nus sur un parterre de verre pilé. C’est ce à quoi vous invite Poni Hoax sur ce deuxième album shooté jusqu’à l’os.


Décidément, il faudra s’habituer à voir l’Hexagone produire les groupes les plus imprégnés de cette époque fascinante qu’est la charnière entre la fin des années 70 et le tout début des années 80. Très récemment encore, le trio Candy Clash l’a prouvé en tutoyant de près l’âme de Joy Division et consorts sur son remarquable (et si bien nommé) premier EP 79, sans parler du vent de révolte porté par Adam Kesher. Quant à Poni Hoax, c’est une immersion totale que la bande à Laurent Bardainne et Nicolas Ker nous propose via ce deuxième effort.

Si leur premier album éponyme (2006), porté par le tube “Budapest”, en avait dérouté plus d’un en mélangeant goulument rock et electro vintage, dilué dans une grosse louche d’hédonisme sudorifique, Images Of Sigrid, passé la première impression déceptive due à l’évidente absence d’effet de surprise, pousse le concept dans ses derniers retranchements.
Les boucles initiales de “The Paper Bride”, aussitôt enveloppées par la voix blanche et fatiguée de Ker, nous plongent littéralement dans les premiers pas de New Order. Soulignons déjà la très grande force de ce titre, un morceau radical, emblématique d’un esprit pétrifié par la glaciation musicale de l’époque, et qui s’étire sur plus de 6 minutes en un lent crescendo envoûtant. On voit d’ici la transe envahir les dancefloors, la meute de zombies camés jusqu’à l’os se muer telle une armée de pantins désarticulés pour finir par s’écrouler à la dernière note. Placer un tel coup de force dès l’ouverture d’un disque est l’annonce d’une suite forcément morbide et festive. De fait, “The Bird is on Fire” prolonge les festivités dans une ambiance légèrement moins glauque, soulagée par quelques percussions permettant de reprendre pied provisoirement. Mais le talk-over poudré de Ker, soutenu par un saxo salace et assommé par une cloche rigoriste, n’augure malgré tout rien de bon. Heureusement, “Pretty Tall Girls”, derrière son titre ambigu, permet de relever la tête avec sa rythmique de feu, son chant quasi primal et surtout les énormes guitares du refrain qui nous rassurent en nous affirmant que nous sommes malgré tout encore au XXIeme siècle. On voit d’ici la puissance scénique potentielle dégagée de ce triptyque.

Ainsi, Images Of Sigrid permet de revisiter les bas-fonds des musiques dansantes des années 80, celles qui ne se souciaient ni des chapelles ni des conventions, n’hésitant pas à allier une guitare funky à un nappe synthétique et un refrain définitivement pop – l’imparable “Antibodies” qui, à elle seule, piétine allègrement les deux derniers disques de Sébastien Tellier. Le producteur Joakim, accessoirement boss du label Tigersushi qui héberge Poni Hoax, a encore fait preuve ici de sa science encyclopédique et opportuniste de toutes les composantes d’un tube 80’s vendu en 2008. Et le cerveau électronique du grand chef allié à la fougue et la plume du quintet donne forcément bien mieux que des étincelles.
N’empêche, ça et là, le groupe s’autorise quelques excursions dans le territoire strictement post-punk sur quelques brûlots portés par des guitares cinglantes. “You’re Gonna Miss my Love” ou “Hypercommunication” rivalisent sans souci avec les roustes “Ladies, Loathing and Laughter” ou “South” des précités Adam Kesher dans cet alliage brûlant de l’acide, de la soude et de l’inconscience, faisant fondre des légions de boîtes de nuit après avoir liquéfié nombre de salles de concerts. Sans parler de l’impromptu du disque, “The Soundtrack Of Your Fears”, une ballade miraculeuse aux antipodes du reste, magnifiquement portée par la douce voix d’Olga Kouklaki, déjà entendue sur le premier opus du groupe.

C’est désormais une certitude, on peut tomber les murs de sacs de sable et offrir son torse et son cerveau à tous ces groupes français qui font mieux que simplement rappeler une scène bénie malgré sa noirceur, des groupes qui l’habitent littéralement en y apportant cette touche de je-m’en-foutisme so frenchy. Et à ce petit jeu-là, les cinq gars de Poni Hoax sont les plus ravagés et les plus perfides, pour le bonheur de tous.

– Lire également leur interview (2006)

– Leur MySpace