Réunion culturelle entre l’Afrique et la France, mariage d’identités contrastées noires et blanches, partage enchanté de cordes en nylon (Vincent Courtois) et vocales (Ze Jam Afane), L’Homme Avion voyage au-delà des géographies musicales afin de conter une bonne parole, autant pétrie de mots que de maux. De l’alliance du slam et du jazz, déjà éprouvée sur un mémorable Les Contes de Rose Manivelle (2004), naît une poésie universelle et revendicative, reflet d’un monde à deux pôles, cette « boule où les hauts des uns sont les bas des autres comme les bas des uns sont les hauts des autres ». Volontiers didactiques (“Première Leçon, l’Eau”, “Deuxième Leçon, la Terre”, “Troisième Leçon, le Véhicule Enchanté”), les textes de Ze Jam Afane mêlent expériences personnelles et sagesse, rage rentrée et discours sans équivoque (sur la déforestation, le capitalisme, la colonisation, la religion-girouette, l’immigration…), tandis que les compositions de Vincent Courtois s’adossent à l’africanité revendiquée sans balayer leurs propres origines occidentales. Une telle union artistique échoue toutefois à convaincre sur l’ensemble de l’album, les deux faces en présence se neutralisant à l’endroit où l’on imaginait plutôt qu’elles se combineraient avec force impact : dilution du propos politique dans une mise en forme musicale aux maigres enjeux, dilution de l’approche instrumentale asservie au poids symbolique des mots. Indolente, la diction du slameur exulte trop peu (le décollage verbal de “L’Homme Avion”, le dédoublement vocal de “Troisième Leçon…”) pour amener cette poésie, souvent affectée, au-delà d’un emportement unidimensionnel (« L’Arbre Lumumba » mis à part) convoqué parfois pour le meilleur (“Le Voyage de l’Esprit”, “Troisième Leçon…”), mais aussi pour le pire (l’indigne méli-mélo victimaire et abscons de « Marie-France »). De son côté, malgré la présence de très bons musiciens (dont Maxime Delpierre à la guitare électrique et Adrien Amey au saxophone/flûte à bec), la musique de Vincent Courtois pacifie étrangement des textes qui n’en demandaient pas tant, comble des cicatrices qui auraient mérité d’être au contraire saisies sans mettre du baume au coeur. Dommage.

– Le site de Chief Inspector
– Le site de Abeille Musique