C’est désormais seul que David Freel incarne Swell. Pour autant, la flamme continue à vaciller vaillamment. La simplicité et l’immédiateté, si caractéristiques de la maison, sont encore au rendez-vous.
On avait failli oublier Swell. Il faut dire que la troupe de San Francisco n’a plus rien sorti de convenable depuis Too Many Days Without Thinking en 1997. Entretemps, le groupe s’est délité, alors que le nom, lui, restait en friche. David Freel, aujourd’hui seul aux commandes de la destinée du groupe mythique, semble bien vivre cette pseudo-retraite à en croire cet inattendu album. Car on croirait qu’il ne s’est rien passé, que tout est encore là, que ni la poussière ni le temps n’ont prise sur le folk-rock éthéré de Swell. Sorti de sa torpeur, il prétend avoir réalisé South Of The Rain And Snow très naturellement, avant de se replonger dans sa nouvelle passion, la sculpture. Et on veut bien le croire tant toute la fraicheur et la candeur de Swell sont intactes.
La première écoute emballe instantanément, avec ces accords primaires, ces mélodies de petit matin et cette voix pâteuse toujours un peu absente. Il n’y aucun doute possible, on est bel et bien chez Swell, le groupe dont les chansons sont un bonheur pour l’apprenti guitariste (ces accords, décidément simplistes) autant que pour l’esthète en quête de sérénité qu’est le fan de la première heure.
A l’exception notable de “Tell us All”, petit coup de tonnerre rondement mené, l’album se décline dans ce mid-tempo si caractéristique du trio initial. Et il est incroyable de constaster que la mécanique est toujours aussi bien huilée, que l’effet produit est inaltérable et qu’il est toujours délicieux d’écouter un bon Swell. Non pas que la nostalgie guette, bien au contraire, c’est un ravissement de prendre acte de l’atemporalité de cette musique pourtant si basique. Less is more, tout simplement. Et ce qui était vrai en 1990 est encore vrai en 2008, malgré les débauches de décibels qui nous esbaudissent chez les groupes actuels, même les meilleurs.
David Freel a aussi conservé sa redoutable patte pour ciseler ses textes poétiques, portés par des mélodies étincelantes. La chanson titre en est la meilleure ambassadrice, sommet du disque avec sa rythmique bradycardisante, sa lead ensommeillée et son orgue catatonique. Position contestée par “Saved by Summer”, plus posée, mais tout aussi cristalline et envoûtante, portée par une batterie aguicheuse et un orgue au contraire terrassé. En comparaison, des moments plus graves comme entendus dans “Good Good Good” rappellent que le folk est avant tout une musique qui vient des tripes.
De manière générale, l’Américain semble vouloir prouver qu’il incarne l’âme du groupe, celui qui tenait les rênes à l’époque du trio. Et l’on ne peut que lui donner raison avec l’évidence qui éclate dans la moindre note de ce nouveau disque. La solitude n’est pas un poids pour lui. Si Nick Lucero (batteur bruitiste rencontré notamment chez Queens Of The Stone Age) est venu prêter main forte – c’est dans son studio qu’a été enregistré le disque, et il tient les baguettes sur neuf des dix titres -, Freel joue de tous les instruments avec un bonheur égal. Et ce disque en solitaire supporte très bien la comparaison avec les faits d’armes les plus célèbres de l’époque bénie où il était lié à Monte Vallier et Sean Kirkpatrick. Cette force tranquille mérite autant de respect que d’admiration.
La vieille garde n’a pas encore rendu les armes, et David Freel a bien fait de ressusciter la bête. Il avait en effet tous les arguments nécessaires à la réussite d’un come back qui aurait pu n’intéresser que lui (saluons au passage la clairvoyance de Talitres, une fois encore) et a su en faire bon étalage. Désormais, lui s’en fout et s’en est retourné à sa glaise, nous laissant déconfits après un retour aussi radieux que prometteur, mais bien trop fugace puisque déjà avorté. C’est malin.
– Le site officiel