The National est devenu une drogue dure, addiction encore accentuée avec l’impressionnant Boxer pour devenir irréversible après des prestations scéniques renversantes. Il va sans dire que chaque nouveau shoot ne procure qu’extase sans danger dans la descente, et ce n’est pas The Virginia EP qui risque de stabiliser cette dépendance. Les nouveaux titres ici offerts, plus ombrageux et contenus que les derniers albums, naviguent en eaux troubles et voient un Matt Berninger encore plus ténébreux qu’à l’accoutumée. Que ce soit sur des titres finis ou des démos diaboliques, les sorties de route de The National sont de passionnantes traversées de limbes. On est bercés par les douceurs des premiers pour tout de suite être englouti par les seconds. Quant aux trois titres live, ils ne font que confirmer ce que nous avions déjà constaté de visu, à savoir que la scène est un terrain de jeu naturel pour les Américains qui les voit libérer toute la tension imposée par leurs compositions. Entre moments d’accalmie et explosions, Matt Berninger et sa troupe nous transportent dans un ailleurs indéfinissable et dangereusement séduisant, où la chair de poule est immédiate. Cette impression de puissance et de maîtrise est à moitié confirmée par le film de Vincent Moon, A Skin, A Night, qui donne à voir un groupe (un chanteur surtout) confronté à ses troubles et ses doutes, buvant plus que de raison pour maîtriser une angoisse pré-concert qui semble insoutenable, décuplée par la tension propre à chaque chanson. La caméra de Moon a su saisir ces instants douloureux de la concentration comme de la création (ils se considèrent comme des chasseurs), revenant tant et plus sur les baguettes magiques de Bryan Devendorf, seules étincelles dans un film très noir. D’ailleurs, d’entrée de jeu Padma Newsome (le sixième membre) avertit le Français que sa caméra gêne et captera des moments qui n’ont pas à rester sur bande. Et ce sont précisément ces moments qui donnent au documentaire tout son sens, filmé comme en syncope, allant jusqu’à scruter le grain de peau du leader. Un film malade sur un groupe inquiet, conscient de sa position sans l’accepter pour autant.
– Le site officiel
– Le site de Vincent Moon