Avec ce septième album, ouvertement placé sous le signe d’un ludisme quelque peu régressif, le duo Matmos, nous dit-on, aurait perdu son appétit de concepts richement élaborés pour ne s’en tenir cette fois-ci qu’à une seule ligne directrice : aucun microphone et uniquement des synthétiseurs comme éléments/aliments à ingérer dans ses compositions à forte teneur en électronique mutante. Ou comment fuir le concept pour mieux le réinvestir. Pour ces fous laborantins que sont Martin Schmidt et Drew Daniel, les contraintes et les cadres, volontairement érigés par leurs soins, sont moins un frein à leur créativité qu’un catalyseur. Supreme Balloon, plus léger, volatil et vintage que les deux précédents opus du duo – les importants The Civil War (2003) et The Rose Has Teeth in the Mouth of a Beast (2006), déjà parsemés d’instruments « antiques » – ne déroge pas à la règle. Arp, Korg, Roland, Waldorf, Moog et Coupigny (synthétiseur modulaire unique au monde, développé pour le studio INA/GRM de Radio France) sont – entre autres – utilisés sans passéisme aucun, remis au goût du jour avec une science gourmande et assez délectable de la composition pop, kitsch et anachronique, n’hésitant pas à convoquer même le baroque François Couperin (“Les Folies Françaises”). Au coeur de l’album, le titre éponyme et ses vingt-quatre minutes apparaissent comme une longue méditation sur l’évolution du support analogique, parcourant un impressionnant spectre sonore allant du Krautrock au droning, en passant par l’ambient et l’electronica. Manière de dire en musique que peu importe le support et les époques quand les idées suscitent les sons et s’épanouissent dans une mise en forme adéquate, respectueuse des esthétiques qui l’ont précédées. La présence par ailleurs de convives triés sur le volet (Marshall Allen, Jon Leidecker, Jay Lesser et Keith Fullerton Whitman) indique la teneur expérimentale d’un disque, finalement pas aussi mineur que pourrait le laisser entendre son caractère éminemment récréatif.