L’orfèvre canadien s’est expatrié pour composer son album le plus solaire à ce jour. Sans la moindre baisse de régime.
Neuvième album déjà pour le secret le mieux gardé de la pop canadienne, peut-être même internationale, et pourtant Ron Sexsmith supporte toujours un manque de reconnaissance abyssal totalement incompréhensible. Depuis l’exceptionnel Retriever, Ronald Eldon Sexsmith a livré Destination Unknown (2005), un album acoustique avec son ami d’enfance Don Kerr, et surtout Time Being (2006), précieux disque de pop-folk tout à fait dans la lignée de ses prédécesseurs. Il commençait d’ailleurs à confier sa lassitude face à l’indifférence dont il était victime, et évoquait l’idée d’abandonner au dixième album. Nous n’en sommes pas encore là, et nous ne nous attarderons pas sur ce qui fâche, mais sur ce qui ravit, la musique de Ron Sexsmith.
Pour ce neuvième album, pas de grande star ou de collègue de galère, mais un groupe cubain, des choeurs féminins et de la soul enregistrée en partie à Londres. Ron Sexsmith ne s’encombre d’aucune contrainte historique pour ce mélange des genres pour le moins étonnant, en accord avec le titre du disque, et il aurait tort tant Exit Strategy Of The Soul brille (encore une fois, ça devient lassant de le répéter) par son excellence. Essentiellement joués au piano, les quatorze nouveaux titres du chanteur poupon font étalage de cette éternelle aisance dans l’écriture, alternant mélodies accortes et harmonies vocales élégiaques, le tout posé sur des arrangements moelleux et plutôt enlevés.
Les cuivres et les choeurs, rarement convoqués de façon aussi imposante dans un album du songwriter, embrassent les compositions, se lovent au creux des aspérités ou alimentent un foyer invisible, construisant ainsi un cocon chaleureux et bienheureux à même d’accueillir sa voix ronde et chaude. Et Sexsmith de fabriquer de précieux colliers noir et ivoire, caressant son clavier ou choyant sa six-cordes, fermant délicatement les yeux pour se livrer, lui le grand timide romantique qui joue au chanteur de charme. A quelques moments, le Ronald juvénile pointe le rebondi des joues sur des vignettes que l’on croirait composées en 1995 – “The Impossible World”, “Chased by Love” -, et dans ces précieuses parenthèses, on comprend que, quelque soit leur ornement, les compositions de Sexsmith seront toujours uniques et instantanément identifiables.
L’artiste est aujourd’hui à un tel niveau de perfection qu’il n’a plus que l’embarras du choix quand il s’agit de donner une couleur à un album. Heureusement, l’homme est bien plus modeste et intelligent que cela, et pense ses arrangements jusqu’au moindre détail. Pour un résultat sans faille, tissant une oeuvre au fronton de laquelle romantisme est écrit en lettres d’or. Si l’homme s’efface, l’artiste se fond dans l’univers qui l’entoure pour ne faire qu’un. C’est ce qui impressionne sur Exit Strategy Of The Soul, cette sensation que cette soul countrysante est une musique innée chez lui, qu’il ne souffre jamais pour donner corps à cette musique. Et la complicité est telle avec son fidèle producteur Martin Terefe que le rendu est exactement celui rêvé.
Finalement, c’est presque en haussant les épaules que l’on en arrive à conclure : sublime, comme d’habitude.
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– Lire également notre entretien à l’occasion de Retriever (2004)