Metronomy distord les pulsations originelles du rock, de la pop ou du funk sur un album de prime abord agressif qui se révèle surtout insidieux et intelligemment barré.
On plaint le chaland qui, musardant dans les rayons d’un disquaire, écouterait pour se faire une idée le premier morceau de Nights Out et qui, sur la foi de ces cuivres malades, l’achèterait pensant découvrir là le pendant glauque de Beirut. Car “Night Out Intro”, outre sa maladie de peau, donne une fausse image de ce que ce chaland recevra en pleine poire sur les 11 titres restant.
Il n’est pas anodin de préciser d’emblée que dans sa prime jeunesse, au coeur de sa ville natale Devon (Angleterre), Josph Mount, tête pensante de Metronomy, fut batteur. S’il fallait en effet résumer Nights Out en une seule expression, on dirait qu’il s’agit d’une « gégène pour batterie et ses amis ». Une gégène surpuissante et sans pitié tant les rafales rythmiques azimutées de ce deuxième album tuent dans l’oeuf toute velléité de sieste. Si l’essence même de l’electro est le rythme, c’est son exploration qui rend cette musique de dance passionnante en dehors des pistes de nuit et sous la lumière du jour. Et si le clubber y perdra aisément sang et eau, le mélomane (qui peut être la même personne) se réjouira de la découverte des styles dépecés par les scalpels sans pitié et sans limite de Metronomy.
En passant rapidement, le trio donne l’impression de se concentrer essentiellement sur la new wave pour en donner une lecture moderniste et déshumanisée tout à fait aboutie. Si cette impression est juste, elle est surtout incomplète. Car bien au-delà des éternelles années 80, le groupe (aujourd’hui basé à Brighton) n’a pas oublié de rendre visite au rock bien d’aujourd’hui par le truchement de six-cordes comme en déversent Foals, Q And Not U ou, plus prosaïquement, Franz Ferdinand. Ou bien, des guitares ou des basses funky sont régulièrement acculées au pied d’un mur du son electro qui leur tombe dessus, poussé du pied par une voix cliniquement morte. Parfois de simples riffs binaires sont étouffés par des beats sardoniques et des synthés imprévisibles — “On the Motorway”. Autant de directions qui donnent l’impression, en écoutant Nights Out, de jouer au jeu du foulard avec un tueur fou spécialisé dans la strangulation.
Le traitement électronique, s’il constitue l’architecture du disque, trône en maître sadique, hérissé de pieux et faisant tournoyer ses fléaux dotés, non pas comme le voudrait la tradition médiévale d’épines de fer, mais d’aiguilles chargées de nitroglycérine. Parfois l’artifice guette, attendant que la structure organique se mette doucement en place pour surgir au détour d’un silence à saper le moral des troupes, d’abord par petites nappes de claviers chatoyantes mais mortelles pour qui s’y presse, avant de s’appuyer sur des gros coups de hache à fort niveau de décibels. Ailleurs, ce sont plutôt des mixages ivres-morts qui salopent une petite vignette sagement psyché — “Side 2”. Et toujours ce sabotage, vidant la rythmique de sa sève pour l’emmener dans des terrains minés.
Joseph Mount et ses complices, Gabriel Stebbing et Oscar Cash n’ont aucun respect et le font savoir sur ce disque roboratif jusqu’à l’épuisement, mettant leurs solides connaissances musicales au service d’une intelligence du son outrageusement écoeurante pour la concurrence. À défaut de coup de maître, Nights Out est un coup de force qui n’a pas fini de tourner dans notre salon comme dans les clubs les plus branchés de la planète.