Swords (2007), premier album de The Ralfe Band, formation pop bastringue des balkans polarisée autour du songwriter/réalisateur londonien Oly Ralfe et son comparse Andrew Mitchell, n’était donc pas un coup d’épée dans l’eau. Attic Thieves, deuxième album de ces protégés du label Talitres, déniche du grenier des trésors d’inventivité. Une des petites claques de la rentrée. Rencontre avec une formation pop atypique.


Une roulotte Transylvanienne s’est installée dans le quartier parisien de la Goutte d’Or en cet après-midi de septembre. Oly Ralfe, grand bohème âgé de 30 ans, emmène son trio ce soir sur la scène de la Flèche d’Or. Nous profitons du temps consacré à la balance du groupe pour s’entretenir avec le personnage et sa musique voyageuse. Levant le mystère sur un garçon qui soigne sa timidité par sa curiosité.

Pinkushion : Le regretté John Peel a dit à votre sujet qu’il est difficile de dire ce que vous avez écouté. C’est on ne peut plus vrai. En écoutant votre musique, il est aussi difficile de déterminer votre nationalité.

Oly Ralfe : Tout à fait. J’ai beaucoup d’influences, je suppose que j’essaie juste de créer quelque chose de personnel et d’unique. Je pense que ma musique résulte de beaucoup de choses, j’aime différentes sortes de cultures : que ce soit l’intégrale de Bob Dylan en passant par la musique classique, les musiques de film, l’art visuel, la poésie… J’essaie de créer quelque chose de différent, mais cela reste simplement le reflet de ma personnalité.

Ta musique découle d’un processus artistique spontané. Tu n’as pas vraiment cherché à développer une personnalité, c’est venu naturellement ?

Je n’essaie pas d’être différent, j’essaie plutôt d’être créatif. Que ce soit dans le domaine de l’écriture, l’enregistrement, des paroles, j’essaie d’être imaginatif et de me surprendre. Mais ce n’est pas dans le sens d’être différent des autres, ma musique découle juste d’un processus naturel venant d’une personne créative.

The Ralfe Band est ton projet, mais c’est aussi une collaboration avec le multi-instrumentiste Andrew Mitchell (batterie, percussions, guitares, arrangements).

Oui, Oly Ralfe, c’est mon vrai nom. Je compose les chansons, ensuite je fais écouter les démos à Andrew. Je peux écrire une chanson au piano, puis nous essayons de trouver des arrangements ensemble. Andrew a beaucoup d’idées, ce qui procure un échange intéressant. Mais je suis davantage impliqué dans le songwriting, lui est dans le rythme, le rock’n’roll. Sur Attic Thieves, plusieurs personnes ont également apporté leur pierre à l’édifice : quelqu’un joue de la guitare et de la mandoline, un autre de la contrebasse… Peu importe, il n’y a pas de règle préétablie en studio. De mon côté, j’ai apporté mon piano, un accordéon. Disons que je collecte les instruments plus que je ne collectionne.

De quand remonte ta collaboration avec Andrew Mitchell ?

On se connait depuis l’adolescence. On écoutait juste de la musique, puis on a commencé à jouer avec des instruments. Ça avait le don de mettre les voisins en colère (rires). C’est très bon de travailler avec un batteur lorsque tu es songwriter, car cela apprend à structurer les chansons.

Raconte-nous. Comment as-tu commencé à composer des chansons ?

Je jouais du piano lorsque j’étais gosse, et puis je me suis mis à la guitare acoustique en écoutant Bob Dylan, une révélation. Sous son influence, j’ai commencé à écrire des chansons. A partir de là, je n’ai eu plus qu’une seule ambition : enregistrer un jour un album ! (rires) Dès le début, je composais des choses assez différentes, des chansons mais aussi beaucoup d’instrumentaux. Je voulais créer un voyage — j’adore les films et le cinéma –, aborder différentes humeurs, tenter différentes expériences…

The Ralfe Band est ta première expérience musicale sérieuse ?

Oui. Enfin, j’ai joué des claviers et du piano dans un autre groupe, Menlo Park. C’était un groupe londonien avec un chanteur américain, le fils de Paul Simon y jouait notamment de la guitare acoustique (Ndlr, Harper Simon, désormais au sein des Heavy Circles). Je les ai accompagnés pendant quelques temps, ils étaient plutôt bons. Mais je voulais faire mon propre chemin.

A côté de The Ralfe Band, as-tu d’autres activités ?

Je réalise des films, notamment un documentaire animé sur Bob Dylan il y a deux ans. Le film s’appelle The Ballad of AJ Weberman et a été tourné à New York. L’histoire se déroule autour d’une conversation téléphonique enregistrée en 1970 entre Bob Dylan et AJ Weberman, un « stalker » (trad : admirateur, monomaniaque) qui est peut-être son plus grand fan (ndlr : Weberman est l’auteur notamment du Dictionnaire anglais sur Bob Dylan). J’ai présenté le film à quelques festivals internationaux il y a deux ans, mais pas encore en France. Il y a eu de bons retours (ndlr : une récompense au Raindance Film Festival en 2006). J’ai réalisé aussi quelques clips vidéo, et un projet de comédie qui devrait se dérouler à Londres…

Actuellement, ta musique prend donc le pas sur le cinéma.

A vrai dire, c’est juste une partie différente du cerveau que je développe. La musique, c’est quelque chose de plus personnel, intime. Filmer, c’est encore autre chose, un autre mode d’expression. Mais il y a des choses en commun, le temps, le rythme, l’atmosphère… J’aime faire beaucoup de choses, j’adore aussi dessiner. Je pense que chaque chose est musicale, avoir différentes sources d’inspiration, c’est essentiel pour la musique. Jacques Brel, par exemple, était un poète (sourire).

Et aussi acteur à ses heures perdues.

Tout à fait (rires).

Le songwriter londonien Oly Ralfe.


Ce n’est pas très courant d’entendre un groupe anglais qui joue une musique si éclectique, brassant différentes cultures dont celle de l’Europe de l’Est…

J’aime la musique traditionnelle roumaine, hongroise, serbe… cette sorte de langage musical. Sans oublier le folk américain. La culture des pays de l’est m’inspire, notamment leur cinéma. Pourtant, je n’ai pas de liens de sang avec ces pays, à vrai dire mon arrière grand père était français.

Personnellement, outre l’influence de l’est, j’entends dans ta musique aussi bien du Erik Satie, les Kinks ou Captain Beefheart

C’est vrai, j’aime Erik Satie. Ah les musiques Gnossiennes… Son approche du piano était minimaliste, c’était quelqu’un en avance sur son temps, il y a de ça 110 ans. Pour les Kinks, mes vocaux peuvent rappeler par moment Ray Davies. J’assume totalement l’affiliation, mon songwriting est assez similaire, mais à cause de l’influence européenne et américaine, ce n’est pas si évident à déceler, je suppose. Quant à Captain Beefheart, c’est un peintre, et sa façon d’expérimenter la musique est unique.

Swords,votre premier album, est sorti l’année dernière (ndlr chez Talitres). Cette fois, pour Attic Thieves avais-tu quelque chose de précis en tête ?

Nous étions plus attentifs lors de l’enregistrement. Nous voulions capter sur disque l’énergie que nous avions en concert, chose que nous avions peut-être échoué à retranscrire sur le premier album. A côté de ça, j’avais toujours en tête pour ce second album une sorte de voyage étrange, calme et émotionnel.

Entretemps, ton écriture a franchi un nouveau palier. Je trouve ton approche harmonique plus sophistiquée. Un titre comme “Mirror Face”, se fend d’une superbe mélodie, très élaborée, qui se rapprocherait plus d’un mouvement classique que d’une simple chanson.

Oui. C’est une chanson assez longue, la plus longue de l’album même, si je ne m’abuse. Mais cela ne se ressent pas, car la mélodie évolue progressivement, il y a différentes parties. C’est drôle de constater à quel point certaines chansons ont un format court mais paraissent longues. Et d’autres fois, c’est l’inverse. Pour revenir au songwriting, je pense qu’il y a de bonnes chansons sur le premier album, mais peut-être que je ne suis pas parvenu à les développer. Quelque part, ton songwriting s’améliore mais tu ne le réalises évidemment pas sur le moment. Ce n’est que plus tard que tu t’en rends compte. Maintenant, j’aimerais aller vers quelque chose de plus simple. Utiliser moins d’instruments, davantage l’espace.

Avec davantage de reverb ?

Non (rires). Il faut faire attention avec la reverb, ce n’est pas toujours très recommandé. Peut-être pourrais-je expérimenter davantage le rythme, laisser un peu de côté le kit de batterie basique au profit des percussions. J’aimerais construire quelque chose d’à la fois très puissant et très simple.

Vous avez signé sur un label français, Talitres. Entretiens-tu un rapport particulier avec la France ?

J’adore la France, sa culture, il y a tellement de belles choses. J’aime Edith Piaf, je l’écoutais bien avant le film, mais j’y ai découvert une nouvelle facette : j’ignorais tout de sa jeunesse, d’où elle venait. C’est assez tragique. Et puis j’ai eu une petite amie qui a vécu à Paris. Elle a travaillé ici une année dans un cinéma des grands boulevards. Mets ça dans le papier (rires). J’ai donc vécu sur Paris quelque temps. Et il y a quelques semaines, je suis même revenu pour voir un concert de Tom Waits. Il était incroyable.

Enfin, Peux-tu me donner tes cinq albums favoris ?

Bob DylanDesire
Tom waitsRaindogs
Thelonius MonkSolo Piano
Joanna NewsomThe Milk-Eyes-Mender
Velvet UndergroundLoaded

– La page Myspace

– Le site du label Talitres

– Lire également la chronique d’Attic Thieves