Plus complètement electro, pas totalement pop, juste bluffant. Le nouveau disque de Kid Loco est un sérieux passeport pour un nouveau succès planétaire de notre bonne vieille French Touch.


Punk, alterno, soul, techno, trip-hop… Jean-Yves Prieur aka Kid Loco a toujours été contemporain et acteur des mouvements musicaux sur l’épiderme desquels la France a laissé quelques balafres. Signe d’une ouverture d’esprit à toute épreuve, mais aussi et surtout d’un savoir-faire musical proprement inné ayant fait de lui un des acteurs majeurs (ce qui ne signifie pas forcément célèbres, entendons-nous bien) de chacune de ces scènes qui ont écrit l’histoire de la musique amplifiée hexagonale. La simple lecture de son CV suffit d’ailleurs à apporter un éclairage à la luxuriance de ce nouvel album. À l’instar d’un autre grand voyageur musical (et pas seulement), Perio, Kid Loco continue paisiblement, sans vague, à créer une oeuvre riche de sonorités, de styles et de disques parfaitement aboutis. Privilégiant la qualité à la quantité (ne devrait-il pas toujours en être ainsi ?), le francilien préfère prendre son temps, digérer ses influences, regarder en arrière, puiser dans son escarcelle et tailler patiemment des chansons dont rien ne dépasse et qui sonnent juste dès la première écoute.

Le risque de créer la pop idéale (car au final, ce grand raout n’est rien d’autre qu’une pop hypertrophiée) est de composer des disques qui paraissent « plaisants », « agréables » ou « intéressants », soit exactement les adjectifs dont est affublé Party Animals Disco Biscuits sur la Toile. Il suffirait d’à peine un peu plus de curiosité ou de bonne foi pour creuser davantage les dix titres de ce sixième album et constater que nous tenons quelque chose de bien plus profond et riche que ces quelques considérations vaguement encourageantes sur un plan commercial. Et c’est souvent le souci avec ces artistes discrets, petits rats de studio et grands orfèvres de la chose musicale : outre Perio, nous pourrions citer également Bang Gang. La parole est bien jolie, mais passons à l’acte.

Plaisant ? Soit. Pour le moins, en effet, avec ce son chaud et enveloppant comme une couverture en laine vierge, qui ne laisse aucune chance au vide, sans étouffer pour autant. Le dosage idéal, celui qui emplit l’espace et qui se fond dans le décor, omniprésent mais surtout pas oppressant. Cette sensation de torpeur est paradoxalement la plus prégnante sur les titres les plus enlevés, notamment l’énorme “The Specialist” qui, sur plus de huit minutes, illustrerait la course folle d’un tueur à gages pris de cours entre sa prime qui lui échappe et son contrat qu’il n’arrive pas à cerner. Un titre qui vient en écho à la cavalcade de “Motorcycle Angels”, autre grand moment de Party Animals…
Agréable ? C’est bien le moins quand un disque évoque les aléas et la déperdition d’un homme en proie avec des prises immodérées de toutes les drogues possibles et imaginables, subtilement évoquées dans la ballade angélique “10:15”. Ou alors dit-on d’un disque qu’il est agréable quand chacun des titres qui le compose est une pure perle noire, à la composition soignée et aux arrangements flamboyants ? Pourquoi pas, au même titre qu’est agréable la bande originale de The Virgin Suicides de Air — à laquelle on pense très souvent ici.
Intéressant ? Et pourquoi pas simplement pas mal, tant qu’on y est ? Intéressant à plus d’un titre alors, a fortiori quand on joue à décrypter les styles convoqués à l’élaboration de cette galette. Soul, trip-hop, hip-hop, folk, blues, country, psychépop… Ou alors on pourrait y dénicher quelques grands noms, tels le duo Gainsbourg/Colombier, Ennio Morricone ou The Velvet Underground, pas moins. Oui, tout ceci est bien intéressant, mon cher, surtout quand ces références sont instillées avec autant de délicatesse.

Trêve de chichiterie, Party Animals Disco Biscuits est un album doux dans l’attaque mais long en bouche, développant mille saveurs qui prendront leur temps pour s’exprimer, et qui en amèneront d’autres insoupçonnées lors des premiers contacts. Sous son apparence simple, ce millésime s’avère être un très grand cru. A condition d’avoir un palais suffisamment fin.

– Le site officiel