À quelques semaines des sempiternels référendums de fin d’année, le multi-instrumentiste (saxophone soprano, hautbois, cor anglais) et compositeur Rob Mosher peut d’ores et déjà prétendre au titre, aussi honorifique qu’oiseux, de révélation jazz de l’année. Avec sa formation Storytime, composée de neuf musiciens décomplexés (six cuivres, un guitariste, un contrebassiste et un batteur/percussionniste), issus du jazz mais aussi d’obédience classique, il prend à bras le corps, et avec une insolence jubilatoire, un héritage orchestral qui s’étend de Gil Evans à Wayne Shorter, en passant par Kurt Weil, J.S. Bach ou Claude Debussy. Le jeune Canadien de 28 ans, qui réside à présent à New York, décrit lui-même sa musique comme un mélange composite de mélodies simples supportées par des structures musicales sophistiquées. Ce qu’elle est de toute évidence, avec un naturel confondant et une dose certaine d’espièglerie de surcroît : des titres comme “What Snowflakes Are Plotting”, “The Tall Tales of Todd Toven” et “1920’s Car Chase”, presque de l’ordre de l’intermède récréatif entre des plages plus élaborées, montrent en effet que la formation n’est pas de celles par trop guindées qui s’essaient au risque de l’ennui ou de l’académisme en ce domaine. Le panorama déployé par The Tortoise oscille ainsi entre improvisation tonale et compositions mûrement réfléchies, sans perdre le fil d’une narration riche en rebondissements et respirations qui a le souci de tenir en haleine l’auditeur. Notamment par l’entremise d’une science de l’arrangement pointilleuse, assez époustouflante pour une première oeuvre de cet acabit (parallèlement le saxophoniste évolue également avec son Rob Mosher Quartet et en tant que singer-songwiter). De l’allégresse des cuivres à l’unisson ou en contrepoint, à des dialogues intimistes et isolés, intégrés à des chorus plus amples, l’écriture orchestrale de Mosher regorge de détails inventifs et de couleurs éclatantes, témoigne d’un imaginaire fertile, autant que de ses potentialités sans cesse renouvelées. Un sans faute mémorable pour le moins prometteur.
– Le site de Rob Mosher
– Sa page MySpace