Une folkeuse californienne revêt son Dark Undercoat et voit la vie en noir et… noir, avec quelques délicates touches de gris.


Peu à peu, le folk semble se métamorphoser en un bastion très féminin. La liste de ces dames, à la voix qui transperce, à la guitare qui pleure ou au piano qui transcende, ne cesse de s’allonger. Après les Sarabeth Tucek, Nina Nastasia, Marissa Nadler, Bat For Lashes, Emily Haines, Alela Diane et bien d’autres, voici Emily Jane White et son dark folk. La jolie Emily, californienne d’origine, a connu la France (Bordeaux) quelque temps avant de retourner à San Francisco, où elle a signé ce premier album distribué dans l’hexagone par Talitres, le label… bordelais. La jeune femme (26 ans) avait été repérée deux ans auparavant en signant la chanson titre du film Wild Tigers I Have Known, de Cam Archer, une production Gus Van Sant.

Soigneusement dissimulée derrière un voile blanc, c’est ainsi que l’on découvre Emily Jane sur la pochette de Dark Undercoat. Une pudeur qui colle avec sa musique, ses compositions, son écriture fuligineuse. Avec un sens affirmé de la mélodie, Emily Jane nous transporte, à l’aide d’un triptyque voix-piano-guitare, sur un terrain musical dépouillé et noir de jais. Loin d’être un no man’s land, cette aire de jeu trouve sa plénitude dans la simplicité. Un minimalisme extrêmement lourd de sens où la solitude et le rejet figurent en tête des thèmes abordés.
La miss nous scotche d’emblée avec le formidable “Bessie Smith”, ode à « l’Impératrice du Blues », morte en 1937. Elle y chante son désir imminent de connaître les cieux, juste pour y rencontrer son âme — « I said oh oh, Bessie Smith why do you hang your head so low?/ I would die in heaven just to meet your soul ». Tel un déclic, la voix d’Emily Jane nous ramène instantanément à une autre folkeuse : Chan Marshall, alias Cat Power. Mais la Chan des débuts, timide, effacée, en retrait, tendance Moon Pix, dissimulée derrière un piano beaucoup trop grand et présent pour elle. La Chan qu’on aimait voir ainsi, pas celle qui nous sert une soupe froide et amère ces derniers temps. Sans s’enfermer dans une comparaison hâtive, l’une reprend, l’espace de ces dix chansons, le flambeau que l’autre, trop pressée, a laissé tomber à terre.

La suite est du même acabit. Les mélodies, loin de s’enfermer dans un système guitare-voix d’un classicisme pouvant devenir lassant, invitent à leur table cordes — “Bessie Smith”, “Dark Undercoat” — et guitare électrique — “Dagger”, “Hole In The Middle”. Servie par une production impeccable, Emily Jane se plaît à casser les reins de ses arpèges, psalmodie afin que l’onirisme atteigne son paroxysme. Et quand l’éclaircie est parfois rythmique — “Blue” –, le propos fait rapidement revenir les nuages, la grisaille qui vous serre la gorge, irrémédiablement. Mais c’est comme ça que l’on aime Emily : pas de couleur, pas de sépia, juste du noir et du gris.

– Le MySpace d’Emily Jane White

– Le site d’Emily Jane White