Revenu en état de grâce avec le ténébreux et grandiose North Star Deserter, le songwriter d’Athens aspire à un peu de lumière sur ce nouvel opus, soutenu par les mélodistes cosmiques d’Elf Power. Un retour aux sources apaisé et classieux.
C’est peu dire que North Star Deserter, l’année dernière, nous avait réconciliés avec Vic Chesnutt. Plume essentielle de la première mi-temps des années 90, le temps de la trilogie bénie West of Rome (1991), Drunk (1993) et Is The Actor Happy (1995) semblait pourtant bien loin. L’intérêt s’étiola dès lors qu’il commença à enchaîner les crédits prestigieux sur ces disques — Bob Mould, Lambchop, Bill Frisell, Van Dyke Parks…– qui, hélas, ne brillaient que sur papier. Passés entre plusieurs mains, ses folksongs rudimentaires n’avaient plus l’éclat de ses débuts. Résigné, nous n’attendions plus rien du songwriter paraplégique.
La rencontre surprenante avec les stakhanovistes du label Constellation est certainement la meilleure chose qui lui soit arrivée pour sortir de cette voie sans issue. De loin sa collaboration la plus aboutie, North Star Deserter voyait décupler son énergie au contact du typhon The Silver Mt. Zion Memorial Orchestra, sans oublier l’ex-batteur de Fugazi, Guy Picciotto. Les ondes sinistres de l’Hotel2Tango où le disque a été enregistré, studio inséparable du collectif retranché dans Montréal, inondaient d’une dramaturgie inédite les compositions du héros solitaire. Enfin remis sur de bons rails sous escorte des canadiens, l’avenir s’annonçait radieux. C’était mal connaître le bonhomme — fuyant depuis toujours la répétition, avait-on presque oublié — qui a préféré bifurquer et revenir à son sanctuaire studio d’Athens.
Nouveau groupe donc, Elf Power, autre résident d’Athens issu du collectif acidulé Elephant 6 (Neutral Milk Hotel, Apples In Stereo, Olivia Tremor Control…) et nouveau label, Orange Twin Records (cofondé par ces derniers), ces douzièmes travaux faisaient a fortiori moins fantasmer que l’affiche du précédent opus. Malgré une carrière endurante, le septet conduit par Andrew Rieger et Laura Carter trimballe l’étiquette d’un sous-Flaming Lips, la faute à des compositions qui manquaient trop souvent d’élan, bien que ces derniers aient toujours su s’entourer (Dave Fridmann et le concours régulier des camarades d’Elephant 6). Indéniablement, la sauce prend, l’écriture racée de Chesnutt apporte en retour cette présence, cette lumière qui leur faisait défaut.
Contrairement à ce que sous-entend Dark Developpments, tout n’est pas si noir. Lesté du poids dramaturgique des violons du Tra La La Band Orchestra et des stridences post-rock, l’atmosphère aujourd’hui se veut moins plombée, voire joviale. Dans le grenier du patron aménagé en studio, on entend les musiciens prendre — un peu — de bon temps, ralentir le métronome pour s’entendre, insuffler de la respiration à des compositions dont l’humeur se prête aux refrains avenants. Au coin du poêle se croiserait un Velvet Underground pastoral jammant entre les cyprès, le son rondouillet des pédales fuzz en sourdine (le final “Phil The Fiddler”).
Boosté par une section rythmique gentiment sautillante, Chesnutt signe même avec “And How” sa mélodie pop la plus évidente, quoique toujours sous la coupe d’un humour noir incisif, (« Open Your Trash, Then Go Take a Bath (You’ll need one) »). Sans atteindre l’ambiance buvette déglinguée d’Easy Down The Road de Will Odham, le folksinger se paye quelques bonnes tranches de camaraderie, “Little Fucker” ou “We Are Mean” (une attaque en règle sur les apparences de la vie citadine). Bref, ce disque a la couleur ambrée du bon whisky, celui qui ne file pas la gueule de bois le lendemain.
– La page Myspace
– Le site officiel
– Le site d’Orange Twin Records
– Lire également la participation de Vic Chesnutt sur Cowboy Junkies – Trinity Revisited (2007