C’est désormais sous son nom seul qu’Andy Yorke ressuscite la mélancolie addictive de feu-Unbelievable Truth. Un retour effectivement en toute simplicité.
Unbelievable Truth. La simple évocation de ce nom suffit à provoquer chez une poignée de trentenaires des frissons de délice tout au long d’une échine qui se recourbe instinctivement en position foetale, la seule seyant le mieux à l’écoute des trois disques du regretté groupe. Articulé autour d’Andy Yorke (guitare, chant, et frère de), Jason Moulster (basse) et Nigel Powell (batterie), Unbelievable Truth livra à la charnière des années 2000 deux albums et un disque d’inédits en guise d’épitaphe. Le voluptueux et inusable Almost Here (1998) est un recueil mémorable de ballades romantiques portées par des mélodies translucides et un chant magique aussi bien que désespérément triste, un disque crève-coeur qui aura durablement marqué les esprits de tous ceux qui tombèrent dessus. Son successeur, Sorry Thank You (2000) ne réalisait malheureusement pas la passe de deux, plombé par des hymnes power pop trop rustres pour ce trio cotonneux, mais possédait néanmoins quelques moments de douceur parfaitement délicieux. Puis ce fut Misc. Music (2001), double disque composé d’une face d’inédits proprement somptueux et d’un live déchirant (le groupe excellait en concert), qui annonçait malheureusement la fin d’une jolie histoire tronquée par un insuccès chronique et surtout terriblement injuste. On a beau être le frère du leader du plus grand groupe de rock du monde et ne recueillir aucune miette de cette notoriété parallèle. Pourtant l’histoire promettait d’être belle. La poignée de fans que nous étions s’était alors résignée à ne plus avoir de nouvelles du groupe, mais ne s’attendait peut-être pas à un aussi long trou noir. En fait de trou noir, Andy Yorke est allé en Russie pour suivre l’amour et en est parti en 2007 pour échapper au chagrin qu’il provoque, avec sous le bras une poignée de chansons épidermiques et naturellement sobres.
Simple est un album de rupture, mais seulement amoureuse. Car s’il n’est désormais plus signé que du seul Andy Yorke, le trio d’origine est réuni à son chevet. Et l’effet est immédiat, dès les premiers accords de “Simple”, la chanson, un jeu instantanément identifiable qui introduit une voix qu’on désespérait d’entendre chanter de nouvelles compositions. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le natif d’Oxford n’a pas changé une seule corde, ni à son arc ni à sa guitare. Tout au long de l’album on retrouve la même mélancolie que naguère, les mêmes accents langoureux, les mêmes caresses vocales.
Que ce soit en douceur ou en haussant le ton, Andy Yorke se livre pleinement, étalant tous les tourments de son âme, son immense peine alimentant le foyer de petites chansons intimistes autant que chaleureuses. Le propos musical semble s’être juste un peu simplifié au travers d’arrangements plus nus, plus près du corps, privilégiant la simplicité à la recherche formelle. En une timide réadaptation à l’univers qui fut le sien, le chanteur tremble sur ses pieds, s’aide d’un piano malingre ou d’une basse rassurante, et avance, coûte que coûte, portant son message le plus fort possible en espérant que celle à qui il est destiné l’entendra un jour. L’écoute de Simple donne l’impression d’assister à une scène de vie privée où un homme, en proie à ses interrogations, ne comprend pas pourquoi il est planté là et supplie une explication sur son obligatoire solitude à la femme qui la lui impose.
Derrière ce discours hors du temps, hors courant (ce n’est rien de le dire) et si tristement banal se cache un songwriter qui n’a rien perdu de sa délicatesse mais qui l’ignore, tout simplement. Ce qui ne l’a pas empêché d’enregistrer ce disque cathartique et surtout de le mettre sur la place publique. Il faut donc saluer le courage de se livrer de la sorte, car la tristesse amoureuse est souvent à l’origine de disques inconsistants (la liste serait bien trop longue) aussi bien qu’éblouissants (le dernier en date ? For Emma, For Ever de Bon Iver). Surtout, cette option discographique est facilement l’objet de railleries de la part de rats d’égouts qui oublient que ce sont ces disques précisément, s’ils sont réussis, qui traversent le temps sans ployer. De quoi parlent 90% des chansons des Beatles ?
Et l’association avec ses amis d’antan n’a rien perdu de sa superbe. Le trio tisse avec toujours autant de précision et de légèreté des étoffes légères et toujours aussi raffinées. Pour autant, difficile d’imaginer que ce disque dépassera le cadre de quelques anciens admirateurs à la mémoire longue tant cette fragilité peut parfois passer pour de la faiblesse, d’autant que si la plume n’a pas changé, elle n’a pas non plus progressé. Il faudra peut être du temps avant d’arriver à un album aussi majeur que l’était Almost Here à son époque, un disque qui cacherait au moins un hit, un tube, un gimmick, bref, une clé. Andy Yorke a les capacités pour agréger un public disparate mais fidèle, en parfait contrepoids de l’assommant Tom McRae. Espérons que le temps jouera en sa faveur cette fois, et qu’il saura le mettre à profit pour peaufiner et ciseler ses compositions.
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