Chanter le pipi-caca-prout est un jeu d’enfants pour la reine de l’antifolk
On ne rigole plus. Beaucoup plus qu’il n’y paraît, la musique pour enfants est un sujet très sensible, une véritable et épineuse affaire de grands. En effet, on parle ici de l’avenir de la musique, des futures oreilles de notre patrie, et de la question qui se posera immanquablement à un moment : Star Academy 18 ou un petit Dylan ? Alors finies les galéjades car souvent, les parents à la fibre musicale éprouvée sont confrontés à un sacré dilemne. Comment, comme ils l’espèrent, faire pencher leur bambin du bon côté du rayon de disques ? Comment ne pas les laisser succomber plus tard aux assauts de ce qui remplacera la tektonik et ses merveilles capillaires ? D’une, sans être scientifiquement prouvé, il est assez rare qu’un lardon de 6 ans, avec force cris, larmes à grosses gouttes et tapements de pieds, se mette à réclamer un petit Funeral d’Arcade Fire ou le dernier Lambchop. Malheureusement, je vous l’accorde. Secundo, chose certaine, l’éventail des possibilités est assez restreint. Alors pour éviter le sempiternel, mais néanmoins sympathique, Henri Dès (“Allo Pépé”, “Camion ça fait prout”, “Doux Doudou” ou “Gros Bêta”) ou Ilona, la mini Priscilla, voire Crabooyo (sic), Bébé Lilly ou Funnybear, que faire ?
La clé, c’est Kimya Dawson qui la livre. Après avoir signé en partie la BO d’un film sur l’appréhension de la grossesse par une adolescente (Juno), la papesse de l’anti-folk, couronnée de succès avec son compère Adam Green (Moldy Peaches) et en solo (Hidden Vagenda en 2004, Remember That I Love You en 2006) propose Alphabutt, un album pour les mouflets. La jeune mère de Panda Delilah Dawson (deux ans) a dû elle-même se poser la question : pourquoi sevrer les loupiots de folk, en faire des tardillons de la musique et de sa musique ? L’espiègle Kimya est donc devenue la femme de la situation.
Son Alphabutt, 28 minutes chrono, est truffé de quinze chansons façonnées pour les plus petits. Il y est question de grandes aventures, d’horribles monstres, d’ours, de girafes, de pandas, de smoothie, de caca bien sûr. La confection des morceaux elle-même est enfantine. Avec une base antifolk, Kimya badine, gamine, s’amuse à des choses puériles. A sa guitare, elle ajoute quelques choeurs d’enfants, des rires et des gazouillis, des sons de boîtes à musique ou de mobiles. On sent dans les textes qu’elle n’eut aucun mal à jongler de ses compositions personnelles évoquant parfois les rapports humains fragiles ou cyclothymiques à ces comptines légères comme une plume de doudou. A 36 ans, l’irrévérencieuse s’offre un “Alphabutt” aussi stupide qu’indispensable. Cinquante-cinq secondes tambour battant pendant lesquelles elle chante un alphabet où les trois quarts des lettres se réfèrent à des types de flatulences («Z is for farts that smell like the zoo» par exemple).
Mais il ne faut pas résumer cet album à cette légèreté de textes et de ton. Ces mélodies acoustiques simples et ces écrits faciles et fascinants (“We’re all animals”) pourraient au final faire tendre l’oreille des bambins du bon côté du parc musical, leur ouvrir le bon portillon. L’adulte, lui, ne trouvera pas forcement ce qu’il cherche avec cette Kimya Dawson. Mais malicieuse, cette dernière laisse une gâterie sous l’oreiller avant de s’éclipser. L’excellent “Sunbeams et Some Beams” devrait ravir tout le monde. Merci Mummy !
Le Myspace de Kimya Dawson