Douce sensation que d’être pris dans les filets de cette folktronica, aux cheminements mélodiques poussés. Un petit miracle, certainement.
Avant tout jugement porté sur cette nouvelle formation londonienne, l’intérêt soulevé s’est d’abord manifesté sur les crédits d’enregistrement. Pas moins que le baron gothique Robin Proper-Sheppard, leader des étincelants Sophia, s’y distingue à la co-production (épaulé par Daniel Lea de By The FireSide). De quoi réveiller notre intérêt, l’américain se faisant plutôt rare hors de ses projets personnels. Et effectivement, on retrouve sur Miracle Kicker un peu de cette grâce mélancolique si chère à Sophia. Bien que l’accent folktronica se veuille nettement plus marqué chez ces protégés de l’exigeante maison Loaf Record — qui abrite The Present, projet du producteur d’Animal Collective Rusti Santos, ainsi que GaBlé, les frenchies récents lauréats CQFD des Inrocks.
Dan Carney (guitare, chant) et Neil Kleiner (effets, chants), le noyau dur de ce sextet, semblent n’avoir d’yeux que pour les étoffes nobles : harmonies vocales cotonneuses (voire laineuses), arpèges brodés avec du fil doré, textures synthétiques délicates. En cousins pas si éloignés de Tunng et Tex La Homa, leur folk hybride se fait émissaire de leur tricotages atmosphériques savants, entremêlement cristallin de drones, nappes ambient et échantillons propres, flirtant aux frontières du New Age, serait-on tenté d’avancer. Mettons qu’Elliott Smith et les Kings Of Convenience se seraient finalement jetés à l’eau, cédant à la fée technologie en branchant leurs guitares sèches sur un laptop, on imagine que la source se rapprocherait bien de Miracle Kicker.
Plus qu’un velours ajouté à ces constructions en mille-feuilles, l’entente parfaite des voix doucereuses entre Carney et Kleiner excelle dans l’art de se muer sous les multiples interférences mélodiques déployées — qui plus est soutenues par d’inébranlables fondations couplet/refrain. Cette souplesse se vérifiait déjà sur le premier single “Circle” et se confirme dès “Jealous Enemies” sur l’album, entrée en matière avenante où les choeurs jouent avec dextérité aux montagnes russes sur un thème orientalisant qui va crescendo.
Par les couleurs vives de ses arrangements, Miracle Kicker est un disque clair-obscur : la lumière qui y transparait côtoie des parties plus sombres, nouant un contraste mystérieux. Le mélange des impressions intrigue : un thème de mandoline hypnotique, des touches de piano quasi-diaphanes (“Everyone We Know”), des instruments à vent aristocratiques (“Remote View”), un e-bow fantomatique (“Speak”). “Questions”, peut-être bien le joyau de l’album, synthétise cet équilibre en suspend : une ballade de porcelaine.
Devant tant de légèreté, on n’en oublierait presque que c’est Chin Keeler, ex-marteleur des remontés Quickspace qui oeuvre derrière les fûts… Si l’angélisme se voilait d’un élégant spleen, les Dark Captain Light Captain en seraient ses fidèles vassaux.
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