Sous les pavés la chanson : raccourci à double sens qui sied à Semtazone. D’abord parce qu’à l’ombre des rampes de la gloire, les mâconnais tissent une oeuvre pas moins revendicatrice et fédératrice que celle des Têtes Raides. Aussi parce que derrière des textes fouillés, travaillés au corps, se cache un discours désabusé mais jamais revanchard, politique mais surtout pas stérile, ne se départissant pas d’une poésie d’obédience baudelairienne. Essentiellement portées par la voix fragile de Sara, parfois remplacée par le timbre râpeux et noble de Charlie, les chansons du sextet sont faites de guitares abrasives, de piano piétinant les flaques, et coulent sur des mélodies louvoyantes. Pour un rendu qui n’est pas sans rappeler la classe que pouvaient porter haut les regrettés Hurleurs. Alles Is Durven, soit en substance « il faut tout oser », navigue ainsi entre des marécages baignés de la lumière de la pleine lune ou un incendie destructeur comme en offraient les Noir Désir première mouture — “Toi”, remarquable brûlot. On l’aura compris, l’univers de Semtazone est bordé de références françaises, autant de groupes ou artistes qui ont importé le rock de Nick Cave ou les malaises du Gun Club, nageant précisément dans le sillage des Passion Fodder. On imagine d’ailleurs facilement le grand Théo Hakola les encadrer, quoiqu’à l’écoute d’un titre aussi fort que “La Solitude”, on se demande vraiment ce qu’il pourrait leur apporter. Car une chose est certaine, ce groupe de l’ombre à longtemps traîné ses guêtres sur scène, et cela s’entend dans la précision de l’exécution, la maîtrise de l’espace sonore et une science poussée du clair-obscur musical. S’il fallait rechigner, nous arguerions que nous préférons le chant rocailleux de Charlie aux fausses hésitations de Sara qui aurait un peu trop tendance à appuyer les syllabes — « une ballade en enfer-euh » sur “Vos Mains”, ce genre –, donnant à l’occasion une sensation de récitation qui tranche par trop avec cette musique habitée, ou tout simplement avec son complice. N’empêche, ce troisième disque pourrait bien les porter en haut de l’affiche que ça n’en serait pas moins mérité. Beau geste.

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