Avec ce nouvel album, July Skies élabore un portrait nostalgique de l’Angleterre d’après-guerre, en digne successeur des Cocteau Twins.
Nostalgie. Indéniablement Anthony Harding, le leader de July Skies, est animé sinon habité par ce sentiment et nous emporte lentement, irrésistiblement sur cette barque à contre-courant. Certes, ce n’est jamais vraiment dans la même eau que l’on se baigne mais il y a des ressemblances, des affinités qui inéluctablement tissent des atmosphères où viennent s’ébattre nos souvenirs et où nous aimons nous étendre, nous étaler, nous reposer, nous ressaisir. The Weather Clock, le quatrième album de July Skies, est la collection de ces sollicitations à devenir dans le passé, de ces titres qui célèbrent et font naître les réminiscences.
Après The English Cold en 2004, qui était une évocation mélodique et éthérée de l’Angleterre durant la Seconde Guerre Mondiale, ce nouveau disque conspire à la création d’une temporalité circulaire et surannée. Le livret présente ainsi des photos sépia de la vie quotidienne anglaise d’une modernité atemporelle et figée, entre ville et campagne, entre intérieur et extérieur. La musique surgit alors pour investir ces images, les envelopper afin d’en rendre l’ambiance, comme un guide de ce monde minéralisé, comme le survol de ces paysages autres et intimes, se faisant ainsi l’expression du souvenir de nos jeux d’enfants, pour mieux les retenir avant l’oubli. July Skies propose une promenade entre les friches industrielles et les étendues de verdures qu’un soleil d’hiver illumine, crée une ambiance de terrain vague (à l’âme).
Cette pénétration s’accomplit au rythme de guitares, d’un piano, et plus généralement d’une instrumentation post-rock, où c’est bien le « post » qui est essentiel. Ainsi, The Weather Clock replonge chacun, au travers des mélodies minimales, des variations harmoniques, à l’époque glorieuse du label 4AD, nous faisant arpenter des réverbérations et des émotions proches de celles qui faisaient l’identité des Cocteau Twins, d’Harold Budd et même des Dead Can Dance. Se construisant comme une variation chromatique au gré des saisons, l’album décline une musique bucolique, aérienne, introspective, vaporeuse, lumineuse, explorant de façon laconique — en 12 titres — l’imperceptible prégnance des échos et des tressaillements de nos anamnèses musicales dans le refuge de notre solitude.
En quelques titres, des résonances de la voix de “Girl On The Hill” aux superpositions mélodiques de “Holidays to Wales”, The Weather Clock dépeint un temps mort, sans jamais être mortifère, et produit une collusion harmonique où s’ordonne l’attachement à ce qui ne dure pas, la rétention de l’évanescence. Chaque mouvement paraît alors comme une façon de faire durer, de substituer à la clarté du présent le clair-obscur du passé. Si les premières notes de “See Britain by Train” convoquent l’énergie d’Echo & The Bunnymen, ce n’est que pour se perdre dans une lascive modulation d’accords confus, à l’instar d’un train dans le brouillard. Et si les notes de piano de “Broadcast for Autumn Term” semblent limpides et se présentent telle une invitation à l’automne, cette saison de l’entre-deux, elles nous atteignent physiquement comme lorsque nous sortons en tee shirt et ressentons qu’aujourd’hui n’est pas hier et que des picotements légers, presque insensibles, sur la peau de nos bras encore dénudés nous font percevoir que le temps est passé, que l’été est fini. Avec July Skies le temps se fait tactile, il s’est transmué en un air enveloppant, comme un affleurement à la surface de nos vies. Ils ont inventé la musique de l’éternel coucher de soleil.
– Leur site
– Le site du label Make Mine Music
– Le site du label 4AD