Pour illustrer la pochette du premier album de son quartet, Jürg Wickihalder, partenaire émérite de la pianiste suisse Irene Schweizer, a choisi de l’écume et, en filigrane, une carte topographique. Un bouillonnement de sons sur fond d’exploration territoriale (autant stylistique que géographique, le disque oscillant allégrement entre l’Amérique et l’Europe avec un plaisir transfrontalier manifeste), tel pourrait se définir Furioso, qui réunit autour du saxophoniste (alto et soprano) l’Italien Achille Succi (clarinette basse et saxophone alto), ainsi que les frères new-yorkais Mark (contrebasse) et Kevin Zubek (batterie). Dès la virevoltante entame “Warm-up Party”, le ton est donné et le propos de Steve Lacy — « Good jazz needs song and dance » — honoré : un post-bop enlevé, régi par un thème avenant sans être aguicheur, tourbillonne entre tradition et modernité, fait des clins d’oeil amusés à Herbie Nichols ou Thelonious Monk. Monk repris deux fois, avec “Four in One” et “Played Twice” qui donnent lieu à des interprétations fugaces, courants d’air frais moins soumis à une logique de type revival qu’à une jubilatoire et espiègle actualisation. Joie de filer les références, souvent avec flamboyance, sans se mettre un boulet historique par trop encombrant au pied. Sur le récréatif “Lovers”, les échos d’une fanfare de l’Europe de l’Est sont convoqués et une valse de tous les temps en perd le rythme, et la raison. Serpentines à souhait, les compositions volontiers populaires de Jürg Wickihalder tirent parti de l’association des cuivres, notamment lorsque le saxophone soprano échange avec la clarinette basse : rebonds nerveux et anguleux répondent alors aux dissonances et autres rafales de cris aigus, comme sur les instables et exubérants “The Pocket Trumpet Man” (qui lorgne du côté d’Eric Dolphy) et “The Moonwalk”. Furieusement réjouissant.
– Le site de Jürg Wickihalder
– Le site de Orkhêstra