Stuck in The Sound passe à la vitesse supérieure sur ce troisième opus. Toutes guitares noisy remontées, le quatuor francilien empile les hymnes indie rock à la gloire de Pavement, Pixies et Sonic Youth. Ouais, ça le fait grave.
De Stuck In The Sound, nous gardions en tête l’épisode pour le moins anecdotique de Rock en Seine en 2005. Le fruit manifestement encore trop vert n’était pas prêt pour être cueilli sur la scène de ce festival d’envergure : une dissonance encore confusément canalisée, un chanteur strident qui semblait parfois souffrir le martyr les doigts pris dans une tapette à souris, et surtout le bassiste, énorme problème, qui s’escrimait sur une horrible basse verdâtre Vigier (le tue l’amour instantané) piquée certainement à un death métalleux qui l’avait lui-même dealée chez Cash Converter… Même Gene Simmons de Kiss n’en aurait pas voulue. Si quelques guitares battaient le fer en pleine tempête de ce brouhaha, l’album n’avait pas non plus laissé de trace impérissable dans nos oreilles.
Aussi, lorsque la pochette Shoegazing Kids s’est présentée à nous, il nous est revenu en mémoire ce fameux concert, un sourire en coin. Douze plages plus tard, on ne rigolait plus. Vérifions les crédits… Il n’y a pas de doute, c’est bien du même groupe dont il s’agit. En vertu du taux d’adrénaline que contient cette galette, Stuck In The Sound vient d’opérer la même mutation que David Banner en la créature Hulk. Monstrueux. Sans crier — hurler serait le terme plus adéquat — gare, José Reis Fontao (chant/guitare), Emmanuel Barichasse (guitare), Arno Bordas (basse) et François Ernie (batterie) nous gratifie d’une leçon de rock magistrale. Sans commune mesure avec les deux opus précédents, Shoegazing Kids donne à entendre la plus solide fronde noisy pop entendue sur notre sainte terre de Céline depuis les Thugs…
A contre-courant de la vague slim-rock parisienne, les débraillés Stuck in The Sound passeraient pour d’irréductibles nostalgiques des années 90… C’est d’ailleurs ce que l’on aime chez eux, cette obstination à jouer seulement la musique qui leur importe, sans ce soucier du « qu’en dira-t-on ». Mais ne pas trop se méprendre sur l’identité des trublions parisiens. Musicalement, Shoegazing Kids n’est pas une ode aux guitares en combustion de Ride, c’est un large manifeste indie rock, quand ce terme avait encore un sens. Une invitation dans un club que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaitre… Bien avant 2001 et les Strokes, White Stripes & co, bien avant le post-rock, le grunge et la brit pop…. Sans passer pour un vieux rétrograde, on vous parle ici d’une période où les six-cordes électriques étaient autant chéries qu’en 2002, où le grain de saturation raclait et vrombissait jusqu’aux larsens, laissant derrière un trou béant sur les baffes. Une époque où les Pixies, Sebadoh, Sonic Youth et Pavement étaient les maîtres du jeu. En ce temps-là il n’y avait pas de pose, seulement le désir d’exalter un rock brouillon, jouissif et libérateur. Et c’est cela qu’on retrouve justement chez Stuck in The sound.
Autrefois trop désordonné pour vraiment révéler ses talents de composition, le quatuor francilien semble maintenant avoir trouvé l’équilibre parfait entre verve mélodique et insouciance rock. Lancés comme une roquette, des titres tels “Shoot Shoot” — dégoté d’un riff d’anthologie — ou encore “Ouais” avec ses guitares de très bon « Goo » et son refrain défouloir aussi primitif que génial, sont une très sérieuse menace au réchauffement de la planète.
Il faut enfin saluer là-dessus le tour de force du parrain Nick Sansano (Sonic Youth) au mixage, parvenu à mettre en lumière leurs belles mélodies au-dessus de cette ardeur électrique juvénile parfois étouffante. Ce savoir faire mélodique éclate enfin sur “Teen Tale”, “Playback A.L” et “I Love You Dark” (Joey Santiago où es-tu ?).
Et si José Reis Fontao semble toujours avoir les doigts coincés dans la tapette, sa voix se veut tellement habitée qu’elle finit par emporter l’adhésion — l’effet Billy Corgan, dirons-nous.
En tant que shoegazing kids, Stuck In The sound peut aujourd’hui relever fièrement la tête. Finalement, les années 90, ce n’était pas si mal.
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