Long travelling, parterre enneigé, squelettes d’arbres, le silence. Puis une guitare égrène délicatement des perles qui tombent sur le sol sans bruit, sans souffle. Le travelling continue, lentement, en quête d’un signe de vie. Puis arrive une voix, délicate et sensuelle, qui pose son voile sur le tableau mouvant. La guitare peut, à l’occasion d’un raidillon inattendu, accélérer le pas, mais cela ne dure pas bien longtemps. Un piano l’attend, au sommet, et lui intime l’ordre de ralentir la cadence sous peine de troubler cette douce torpeur. Laura Gibson, sur ce premier véritable album, tisse devant nous une toile hivernale que rien ne pourra jamais perturber, une nature morte qui a vécu l’instant juste avant que le pinceau ne trempe dans la peinture. Avançant au rythme de son pouls, sa musique ne laisse rien filtrer d’autre qu’un doux sédatif — contrairement à l’anesthésie, la sédation, que l’on privilégie pour les interventions bénignes et sans conséquence, maintient la conscience : on entend donc tout, mais le mouvement est hors de portée. La lutte est vaine, on sera de toute façon transporté dans un ailleurs. Avec un disque de l’irréel, de l’impalpable, Laura Gibson donne cette impression de chanter pour le seul auditeur retranché dans son intimité la plus profonde. Elle élabore la bande son idéale pour s’oublier dans l’évanescent, la rêverie ou le demi-sommeil. En somme, précisément pour ces instants bénins et sans conséquence bien qu’indispensables où l’on lutte pour rester conscients. C’est toujours mieux et nettement plus inoffensif que la kétamine microdosée.

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