Il faut désormais se rendre à l’évidence, l’actuelle patrie du rythm’n’blues féminin est la Grande-Bretagne. Après la déferlante Amy Winehouse, suivie de près par la mollassone Duffy, elle-même talonnée par Adèle, la cadette, l’oeil du cyclone a traversé l’Atlantique. Il est donc juste qu’Alice Russell, basée à Brighton, profite enfin de cet engouement. Surtout que son troisième album, Pot Of Gold, n’a rien à envier à ceux de ses consoeurs, notamment cette brave Amy. Même goût pour une soul aguicheuse, même robustesse dans la rythmique, même sens de la voltige vocale. Produit par son fidèle TM Juke, Pot Of Gold se permet quelques escapades dans la jungle britannique, notamment par le truchement de claviers que l’on a plutôt entendus du côté de Factory que de Stax. Ailleurs, ce sont quelques effluves de cabaret allemand ou de reggae qui donnent à ce disque sa belle originalité, étayant de solides compositions. Rajoutez à cela une belle incandescence dans le chant de la blonde, ce petit grain de folie tellement indispensable, et vous obtiendrez l’un des objets les plus intéressants de la série. Pot Of Gold a clairement tout pour s’assurer un gros carton, y compris une pirouette funky — “Hesitate” — appuyée par une flûte piquée au vénérable Yussef Lateef, et qui n’est pas sans nous rappeler aux bons souvenirs des hispaniques Sweet Vandals, eux-mêmes pyromanes des bas-fonds. On ne saisit pas trop, en revanche, l’intérêt de la reprise de “Crazy” de Gnarls Barkley, finalement pas si éloignée de l’original malgré un ralentissement forcé du rythme. Finalement, si ses concitoyennes rappellent sans hésitation les papesses du genre, ce qui démarque définitivement Alice Russell c’est son immersion totale dans les 70’s cuivrés, allant d’Aretha Franklin à Lalo Schiffrin sans perdre sa boussole. Une culture élargie prometteuse d’un avenir plus orienté vers le Hall of Fame que vers les unes des tabloïds les plus sordides.

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