Dans les années 1960, bien avant que la world music ne devienne une étiquette parmi tant d’autres apposée sur les rayonnages des disquaires, Don cherry s’adonnait aux joies du métissage musical, notamment avec Mu (1969), grand disque sur lequel les vibrations du free jazz new-yorkais baignaient dans les effluves de la musique traditionnelle nord africaine. Enregistré en juin 1978 à Paris, sous la houlette des producteurs Martin Meissonnier et Pierre Lattes, le méconnu Music/Sangam semble avoir échappé aux oubliettes qui menaçaient jusqu’ici son écoute pour, à son tour, nous offrir une passionnante démonstration de partage instrumental sans frontière. Assis à même le sol sur des tapis, l’un en face de l’autre, le trompettiste et le joueur de tablas Latif Khan développent tout au long de ce disque miraculeux un dialogue minimaliste dans la forme, mais fécond de par les interactions esthétiques qu’il suscite constamment. D’abord improvisés, les morceaux ont ensuite été enrichis selon le procédé, peu usité à l’époque, du re-recording qui permit à Don Cherry de multiplier les ajouts instrumentaux. Ainsi, claviers, flûte, gong, dousso n’koni et chant alternent ou se superposent afin de composer un remarquable écheveau de sons langoureux où se détachent les polyrythmies syncopées de Latif Khan. Décomposé en deux faces, le disque met en exergue sur les trois premières plages des compositions du trompettiste qui lui permettent de laisser libre cours à son talent mélodique : se mélangent alors, dans un même creuset, des sonorités occidentales, africaines et moyen-orientales aux résonances poétiques, voire ludiques, rehaussées par le toucher virtuose de Khan. Dans un second temps, deux compositions signées par le percussionniste indien revêtent un caractère plus méditatif et hypnotique, Cherry assurant alors à l’orgue Hammond, presque en sourdine, le soutien harmonique d’une pulsation ininterrompue proche de la transe. D’une étourdissante complexité, Music/Sangam nous parvient trente ans après son enregistrement avec toute la simplicité d’un jeu d’enfants qui redéfinit le monde comme un bain de jouvence.
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