On en finit plus de (re)découvrir les enregistrements et le génie d’Arthur Russell. À peine sortis des émouvantes confidences de Love Is Overtaking Me (2008) que nous voici plongés dans ces sessions dance signées sur Sleeping Bag Records, le label fondé par Russell et Will Socolov au début des années 1980. Si la pléthore de morceaux révélés régulièrement à l’auditeur renseigne l’art protéiforme du violoncelliste underground, le risque n’est toutefois pas exclu que les trésors cachés, une fois déballés, visent à une surévaluation posthume, écueil dont ne se départit pas complètement ce nouveau disque au contenu inégal. Officiant sur divers pseudos, successivement DJ, remixeur, compositeur, chanteur, producteur, le multi-instrumentiste évolue ici dans des registres — house, techno, disco, hip-hop — qu’il a en grande partie contribué à définir entre 1981 et 1986. Avec une inventivité éclatante. Construit à partir des bribes d’un discours de Ronald Reagan, “5 Minutes” combine par exemple une redondance langagière générée sur ordinateur à des beats old scool et une basse funky. Une logique du bégaiement qui atteint jusqu’au morceau lui-même, repris dans une version dispensable à la fin du disque. Tout comme “Radio Rhythm”, techno-funk song avant-coureuse sur fond de chants psychédéliques, achevée en un déluge de percussions endiablées, mais dont les deux versions ne se justifiaient pas forcément. Très présentes sur l’ensemble des titres, ces percussions sont un élément récurrent utilisé avec brio. Quand les 17 minutes de “School Bell/Tree House” ouvrent une brèche sonore fascinante où des tablas disséminés aux quatre coins du champ sonore se marient à la voix réverbérée de Russell, aux cordes d’un violoncelle amplifié et à un synthé épris d’élans house, les 12 minutes torrides de “Go Bang !” trempent le hip-hop encore balbutiant, le jazz et la soul dans un bain bouillonnant de tempos africains et synthétiques. Grands sauts rythmiques vers l’inconnu, paysages sonores fantasmés et bricolages instantanés trouvent alors une manière d’apothéose qui justifie à elle seule l’acquisition de cette compilation de raretés.
– Le site de Traffic Entertainment