Les artistes et leurs vieux fans forment un drôle de couple. Un vieux couple où les seconds passent leur temps à reprocher aux premiers de ne pas être ce qu’ils voudraient qu’ils soient. Mais bien entendu, la lutte est vaine…


Ainsi, un jour, votre moitié dit ou fait quelque chose que vous trouvez stupide ou vulgaire ou banal, bref vous déplaît (vous découvrez qu’elle aime bien Bénabar ou qu’elle a déjà voté à droite par exemple) et dans ces moments vous vacillez. L’Autre est décidément bien un(e) autre, vous doutez. Avec une chanson comme “Des étendues”, Dominique A nous fait ce très sale coup (« Qu’est-ce que c’est que ce truc ? C’est pas toi ça, tu vaux tellement mieux, je le sais moi, moi qui te connais mieux que n’importe qui »), cette chanson au texte plat comme une limande, à la mélodie quelconque et à l’interprétation mielleuse est de celles qui font s’interroger : est-ce qu’on a encore envie ?

Et puis bien sûr, il y a le lourd troupeau des chansons quotidiennes. On aime bien sûr mais des fois on voudrait un peu autre chose, qui nous fasse vibrer davantage : un instant, une intonation, quelque chose de nouveau. Ainsi “La musique”, “Valparaiso” ou “Le bruit blanc de l’été” peuvent suffire à nous faire rester mais pas (plus) à nous faire voyager. Et quand, sûr de son fait, l’Autre vous refait pour la énième fois le même numéro de charme, vous dites stop direct quitte à être vexant. Car là, franchement, vous connaissez trop les ficelles : la rythmique mitraillette, le champ fiévreux… “Hasta que el cuerpo aguente” tu nous l’as trop fait ça…

Parfois, tout de même, pas très souvent bien sûr, il se produit comme un petit miracle. Fugacement, tous vos souvenirs sont comme mis en suspend et vous revoyez l’Autre comme vous l’avez vu au premier jour, tout ce qui vous a séduit alors est là devant vous (l’a toujours été mais vous ne voyiez plus). Ainsi “Le sens” avec son texte transparent, sa boîte à rythme sèche et ses synthés liquides séduit comme séduisait La fossette : avec presque rien. “La fin d’un monde” nous renvoie avec plaisir à la veine rumba-Nino Rota-new wave-machin de La mémoire neuve et “Qui es-tu ?” renoue avec la froideur inquiétante de Remué.

Et puis, bien sûr, l’Autre ne change pas toujours en mal : des complexes de jeunesse dont on se défait, une gravité nouvelle dans les traits, des ridules au coin des yeux… En fait c’est pas mal, c’est même mieux si ça se trouve. Ainsi lorsque la new wave squelettique se fait lyrique, on part pour “Nanortalik”. Lorsque ça décolle vers complètement autre chose, comme sur le bien nommé “Dans l’air”, on décolle aussi, heureux de savoir qu’on peut encore changer de vie ensemble. Alors ? Alors c’est ça l’amour. Non ?

Lire également les articles portant sur :
– l’album L’Horizon
– le live Sur Nos Forces Motrices
– le coffret Les Sons Cardinaux
– un concert à Nice en 2006.

– Son site officiel
– L’incontournable Commentcertainsvivent