Derrière ce nom de vedette de cinéma muet et cette pochette pour le moins antipathique se cache une jeune violonniste lyonnaise littéralement passionnée par son instrument et ce qu’elle peut en sortir. Au même titre que Christine Ott, en musicienne de formation classique elle sait se départir de la simple prouesse technique pour tirer de son compagnon des émotions brutes. S’étirant sur plus de 52 minutes en cinq titres, This Silver String est un disque qui prend le temps de poser ses jalons, de creuser ses fondations, y installer ses bases et finir par développer son langage, qui tient autant du concept que de l’universalité. Le concept tient en cela que le violon est ici l’objet de toutes les attentions, le seul personnage de l’histoire que tisse Agathe Max. À grands coups de delay et de distorsions, le petit quatre-cordes passe par des sonorités très éloignées de ce que d’aucun aurait l’habitude d’entendre, et n’est paradoxalement jamais le centre d’un monologue que n’importe quel virtuose aurait imposé à son public. Au contraire, les notes se voient ici étirées jusqu’à rompre pour laisser place à de belles phrases langoureuses bien que livides. La distorsion apporte le soupçon d’étrangeté qui tient ce disque résolument éloigné de la production instrumentale actuelle. Et le rapproche de l’universalité puisque ce parti pris technique radical n’empêche pas la musicienne de produire une musique, certes répétitive, mais avant tout belle, riche, enveloppante et en rien absconse, et dont l’unique instrument ne serait que le medium principal. Et, en creux, d’attester qu’il n’est pas nécessaire d’appartenir à une quelconque famille pour toucher avec sa musique. L’auditeur doit juste prendre son temps à bras le corps et accepter de se laisser transporter dans des contrées isolées et inexplorées. Aller à contre-courant de ce que nous impose notre temps. Poser ses clés, écarter ses références, se cacher de ses repères. Écouter avec une oreille vierge de tout a priori ou référence. Car derrière une musique aux attraits rebutants se cache une oeuvre émouvante, entière, et, au-delà de son originalité, aussi personnelle qu’éternelle. Pour mélomanes uniquement.

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– En écoute, “Black Needle”, le titre le plus court, mais pas le moins fascinant :