L’un est Américain et trompettiste, l’autre Portugais et pianiste. Sur une scène de Torres Vedras, petit coin de paradis situé au nord de Lisbonne, les deux musiciens de se livrer d’abord, en toute quiétude, à plusieurs tête-à-tête salués des deux mains, avant de rentrer en studio pour enregistrer ScapeGrace, neuf compositions pour prolonger la grâce et la poésie d’un dialogue improvisé avec une sérénité égale. Si par le passé, au début des années 1990, on se souvient d’avoir entendu João Paulo aux côtés du seul trompettiste Tomas Pimentel, avec qui il fondra d’ailleurs le groupe Almas e Danças (1992), en revanche, plus rares sont les occasions de retrouver le véhément Dennis González dans un contexte aussi intimiste et épuré. Un point qui laisse à penser que ce dernier a volontiers investi l’univers musical de son vis-à-vis plutôt que l’inverse. Lequel sentiment se trouve renforcé par un moindre crédit de compositions (trois) signées du Texan et par la variété des approches stylistiques, qui balaie un répertoire étendu du jazz, au classique, sans oublier les musiques populaires ou traditionnelles tel que l’affectionne habituellement le pianiste lisboète. À son jeu impressionniste, au caractère debussien marqué, phrases déposées aux creux des mélodies avec un raffinement qui n’a rien d’ostentatoire répondent donc les tonalités ourlées de silence du trompettiste, tout entier voué à la pureté de son timbre, y compris lorsque la musique se délie de son lyrisme intrinsèque (“Broken Bop”). Quand vient la “Última Canção”, le temps semble littéralement se figer sous les doigts patients de Paulo qui égrène alors ses notes à la manière des grains de sable s’écoulant dans un sablier, tandis que González, épris d’un blues stratosphérique, déploie un souffle lancinant et sinueux d’une grande profondeur de champ. Comme pour ne point en finir de cet échange plein et délicieux.
– Le site de Clean Feed
– Dennis Gonzalez and Joao Paulo, Live in Torres Vedras :