Un enregistrement inédit de Tim Buckley, voilà qui ne manqua pas, de prime abord, de susciter autant d’attente que de méfiance quand l’information circula sur le Net au début de l’été. Annoncé toutefois sur le très recommandable label Tompkins Square, notre scepticisme se dissipa presque aussitôt, l’écoute du disque levant aujourd’hui les éventuels doutes restants. Seul avec sa guitare et un micro de fortune (on notera au passage l’admirable travail de restauration des bandes), devant un parterre de trente-cinq personnes, c’est un jeune Tim Buckley (20 ans) qui donne de la voix ce 6 mars 1967, au Folklore Center, lieu culturel mythique de Greenwich Village. Quelques mois auparavant, le musicien achève d’enregistrer son second album — et premier sommet de sa discographie — Goodbye and Hello. Ce concert intimiste s’avère donc pour lui l’occasion rêvée d’étrenner ses nouvelles chansons (et pas des moindres, l’antimilitariste “No Man Can Find the War”, l’hallucinée “Phantasmagoria in Two” ou encore la poignante “I Never Asked to Be Your Mountain” dédiée à son fils Jeff alors âgé de 4 mois), mais aussi d’interpréter dans un contexte nettement plus épuré certains morceaux de son album éponyme sorti en 1966 (“I Can’t See You”, “Aren’t You the Girl”). Ainsi exposés, dans leur plus simple appareil, les tourments du musicien, rugissants ou latents, concentrent dans l’acte de (se) chanter une émotion d’une profonde humanité. Davantage soucieux d’honorer une folk de troubadour acoustique, telle qu’il l’admire entre les doigts de Fred Neil (dont il reprend d’ailleurs “Dolphins”), que disposer à expérimenter divers formats et directions harmoniques, Buckley témoigne d’un registre vocal et émotionnel foisonnant, laisse percer un lyrisme contenu, mais pas moins majestueux et bouleversant, qui illumine notamment les six chansons originales du set — jamais jouées officiellement par la suite, que ce soit en studio ou sur scène. À cet égard, Live at the Folklore Center constitue un précieux document : ne serait-ce que pour les magnifiques “Cripples Cry” et “If the Rain Comes”, l’acquisition de ce disque s’avère tout bonnement indispensable.
– Le site de Tompkins Square
– En écoute : « Cripples Cry »