On ne peut qu’être déçu quand il s’agit de mettre des mots sur ce que proposent les américains de Nuggies avec Native American President. La raison de cet échec est qu’on se trouve face à un éclatement sonore qui rend extrêmement difficile, voire totalement vain, tout procédé d’identification. Si son aspect bruitiste renvoie aisément à des formations comme Wolf Eyes ou encore Black Dice, il faut plutôt chercher l’inspiration d’Eli Lederman, de Matt Michaels et de Matt Selsky, pour ce premier album, du côté de l’univers de Steven Stapleton avec Nurse With Wound. L’humour si particulier de ce dernier est présent dans les compositions de Nuggies, encore qu’il y devient une matière encore plus décomplexée et libérée d’un goût néo Dada. Aux instruments comme la batterie, la guitare ou encore les synthétiseurs se joignent des sons de miaulements de chat en boucle, des bruits d’enfants, de grenouilles, de l’eau, d’un brossage de dents, etc. On y trouve même une reprise rendue étrange et presque « pathétique » du fameux “How You Remind Me” de Nickelback. Dans Native American President, ce qui peut être interprété comme le début d’un rythme ou d’une harmonie est aussitôt décomposé. De tout ce procédé résulte une sorte de tumulte sonore étrangement attirant et hypnotique sans forcément passer par des nappes sonores chères à la musique dite ambient. Les trois musiciens de Nuggies venant de la scène de l’improvisation jouent de la musique, certes, mais ils jouent surtout avec elle et contre elle, en y posant le regard naïf d’un enfant à qui l’on adresse un nouveau jouet. Détournée de sa fonction, cette dernière se trouve brisée, disloquée, remontée. Or il ne s’agit pas ici d’un pur sadisme sonore ni d’une insouciance, voire d’indifférence concernant le travail de composition. Chaque morceau de l’album constitue un terrain vierge qui appelle à l’exploration, à l’expérimentation. Il s’agit d’un véritable jeu, mais un jeu avec tout ce qu’il a de plus sérieux.
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