Il est bien loin, l’Arkansas des débuts. Revenir sur l’histoire de Gossip, ce groupe aussi attachant pour sa musique qu’original pour la personnalité de sa chanteuse Beth Ditto n’aurait plus grand intérêt aujourd’hui. La success story n’est plus un secret pour personne, pas plus que l’homosexualité et le manque total de pudeur de la front woman, tout ceci est en vente libre dans les plus vilains kiosques à journaux, rayon ragots (gossip, en anglais). En revanche, on comprend assez mal le virage radicalement mainstream abordé avec ce quatrième album, à l’issue du phénoménal succès de Standing In The Way Of Control (2006). Probablement que d’avoir à ce point goûté aux scènes de défilés du monde entier comme des galas les plus prestigieux du gotha bien pensant a éloigné Ditto et ses complices, Brace Paine et Hannah Billie, de leur but premier. Music For Men prétend aguicher les dancefloors les plus branchés du monde, destiné à gigoter jusqu’au bout de la nuit avant d’aller se faire une dernière ligne sur la plage du dernier spot à la mode. Il réussit surtout à rappeler combien ces nouveaux vêtements vont mal au trio. L’Arkansas n’est peut-être pas la place la plus follichonne du monde quand on est plutôt grosse et lesbienne, on veut bien l’entendre. Mais se détourner à ce point de sa source pour se jeter corps et armes dans un univers qui fait semblant de vous tendre ses bras mouchetés, c’est juste du gâchis. Car Gossip s’entend parfaitement quand il s’agit d’éplucher les médiators, péter les baguettes et faire fuir les videurs, comme les morceaux les plus roots le démontrent encore ici — la giclée “Spare Me From the Mold” verse dans un punk primaire qui fait vraiment plaisir à entendre. Alors ce virage disco nous fera juste regretter ce travestissement, mais ne nous fera pas (encore) tourner le dos à cette bande vraiment réglo, talentueuse et généreuse qui, à trop vouloir toucher ses rêves, est à deux doigts de se brûler les ailes.
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