Il n’est jamais trop tard pour adouber un premier disque d’une telle vitalité. De la pop scintillante, flamboyante et érudite aussi accessible que touchante. Une douche écossaise à vous faire adorer les bottes en caoutchouc.


Ha, si la vie était aussi simple qu’un bon disque de pop… D’ailleurs, certains y contribuent, et même plutôt deux fois qu’une. Souvenez-vous, nos fortifications émotionnelles n’avaient pu que céder devant l’évidence du deuxième album des écossais Frightened Rabbit, ce genre de pop à guitares qui ne cherche rien d’autre que le plaisir ultime de la mélodie parfaite, des harmonies justes et des arrangements optimum. Et bien figurez-vous qu’au moment où nos léporidés préférés s’apprêtent à sortir leur troisième album, de petits frères ont livré un premier opus de haute tenue. Probablement rencontrés lors d’une convention des noms de groupes à coucher dehors, ces deux combos, lointains descendants d’Orange Juice, se livrent en effet à un élégant manège où l’élégance se dispute la première place avec la vigueur de la première sève. Pas étonnant alors si les deux groupes, en plus d’avoir à fouler les même collines, se partagent, outre un label (Fatcat Records), le même gourou du mixage, Peter Katis — qui a également oeuvré aux côtés de The National, un détail qui peut avoir son importance quand il s’agit de stratifier un son ample et généreux. Peut-être les quatre de We Were Promised Jetpacks ont-ils toutefois une plus grande appétence pour un rock liminaire qui muscle de façon redoutablement efficace leur musique qui n’a rien de simpliste.

These Four Walls démarre sur les chapeaux de roue, avec “It’s Thunder and it’s Lighting”, un hymne pop-rock qui, placé en ouverture, pourrait servir de lièvre pour le chaland, mais s’avère en fait un prologue tout à fait excitant et représentatif de l’album : tension, énergie, guitares increvables et chant généreux, tout est ici concentré avant que de se lancer dans une cavalcade effrénée. “Ships with Holes will Sink” ne joue pas dans la demi-mesure donnant à entendre un Adam Thompson s’époumoner sur des rythmiques de feu. Les esgourdes rougissent mais ne s’attendent pas encore aux déflagrations à venir. Et les festivités augmentent en intensité avec un soupçon de rappel punk dans la racée “Roll Up Your Sleeves” et ses riffs uppercuts dans sa première moitié, pour ouvrir à un espace sonore alimenté à l’oxygène pur, toujours guidé par Thompson, un homme d’une générosité incroyable. C’est le deuxième visage de WWPJ, cette capacité à jongler entre les ambiances, balançant toujours entre un rock directement jouissif et des plages aériennes, des fenêtres vers un ciel d’azur à peine perturbé par une guitare tintinnabulante, à l’instar de “Conductor”, avant que celle-ci ne bascule progressivement vers un post-rock résolument optimiste et mélodieux — l’interlude “A Half Built House”, qui rappellerait d’autres écossais, Mogwaï, mais gonflés à l’hélium.
On regoûte avec un plaisir incommensurable ce mélange des genres qui, on avait fini par l’oublier, n’a nullement besoin d’être pompier et téléphoné pour être efficace. Depuis combien de temps Coldplay n’a-t-il pas livré une merveille du calibre de “This Is My House, This Is My Home”, hymne parfait à la mélancolie heureuse qui se termine sur un mur de guitares juste redoutable ? Et s’il fallait se convaincre définitivement du bonheur que procure ce groupe, ou en tout cas ce disque, après avoir essuyé les foudres de la formidable triplette “Quiet Little Voices”/“Moving Clocks Run Slow”/“Short Bursts”, il faut se livrer à l’écoute à plein volume de la pièce maîtresse du disque, “Keeping Warm”, placée en avant dernière position, comme si ce menu de gourmet n’avait été concocté que dans l’idée de célébrer ce dessert parfait. S’ouvrant sur une fine bruine de guitare, cette longue pièce de plus de 8 minutes déploie lentement ses ailes blanches, s’accélère imperceptiblement, monte crescendo vers une explosion annoncée mais qui tarde à venir. Les instruments s’installent un à un, guitare, basse, batterie, puis guitare à nouveau, enfin des cuivres, le tout sur fond de Glockenspiel. Cette inexorable ascension ne va donner sa place au chant qu’au bout de 4’23, moment précis où la chanson va exploser. Non pas en une déflagration aussi brève que sourde, mais plutôt en une longue gerbe de couleurs qui n’aura de cesse de trouer la voûte céleste avant que de brutalement s’accélérer au bout de 6’30. Tout ça pour finir par mourir telle une pluie de feu dans un lac plongé dans la nuit. Superbe moment, magnifié par la production à la fois limpide et sèche du légendaire Ken Thomas, qui amène doucement à “An Almighty Thud”, pièce dépouillée et brute en guise de conclusion pleine de grâce.
On ne sait ce qu’il adviendra de WWPJ à l’avenir, mais ce premier album est assurément l’une des meilleures choses que nous ayons entendues depuis fort longtemps dans ce rayon du rock ligne claire, et cela nul ne pourra le leur enlever. Il y a des entrées en matière moins classieuses, et celle-ci aura le mérite, du moins on l’espère, de galvaniser les Frightened Rabbit, l’un des groupes auxquels on croit le plus en ce moment.

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– A écouter, “It’s Thunder And It’s Lightning” :