Le trio de Seattle ouvre les portes de sa cave et change d’air. Cette oxygénation massive a provoqué un électrochoc salutaire et, espérons-le, irréversible. Une deuxième étape franchie haut les mains…


The Cave Singers, au moment de sortir Invitation Songs, ce premier album sec et abrupt, paraissaient avoir quelques problèmes avec la lumière, et ne daignaient pas vraiment regarder vers la fenêtre, craignant que ce trop plein d’oxygène et cet éclairage subi(t) leur fassent plus d’ombre qu’autre chose. Comme si l’idée d’être un groupe country-folk de Seattle de plus (dans ce temple mortifié dédié au grunge) les dérangeaient un tant soit peu, tout incapables qu’ils étaient malgré tout d’aller vers d’autres horizons. Au moment de sortir leur deuxième album, Peter Quirk (chant, guitares), Derek Fudesco (basse) et Marty Lund (batterie) semblent enfin réconciliés avec la clarté du jour tant Welcome Joy porte haut les couleurs du country-rock le plus ouvert et franc du collier en même temps. Les éléments de base sont toujours là, seul leur traitement est modifié en profondeur.

Le trio est tellement ravi de son nouveau visage qu’il le dévoile dès le premier titre. Ouvrant sur une guitare printannière, “Summer Light” est un hymne à la vie pas forcément attendu qui donne à entendre un Pete Quirk moins rocailleux et plus chantant qu’auparavant. Et étrangement, ce qui nous avait tant fascinés au début ne nous manque pas ici. D’autant que Quirk ne se privera pas, à de multiples reprises tout au long de l’album, de déchirer ses cordes vocales, cette voix qui ne dépareillerait pas dans un disque de blues du Delta. Cette jovialité installée, les Cave Singers n’auront de cesse d’y piocher le suc de titres enlevés et tout aussi séduisants. La batterie revigorante et l’harmonica léger comme un coeur amoureux de “Leap”, la rythmique west-coast de “Hen of the Woods”, les ellipses teintées de psyché-folk de “Beach House”, même l’enregistrement mono de “VV” et “Bramble” — dont on apprécie à nouveau le dynamisme avec la réédition des albums des Beatles dans leur mouture originale –, l’évidence de “I Don’t Mind” tout droit extraite d’un chute de Creedance Clearwater Revival… Les exemples sont nombreux dans ce court album pour évoquer l’aisance mélodique, la luminosité d’arrangements simples, voire même l’évidence pop de bon nombre de ces titres qui rapprochent The Cave Singers de leurs voisins de palier Band Of Horses.

Mais que ce virage n’effraie pas ceux qui avaient cédé aux complaintes douloureuses de Invitation Songs. Pete Quirk vocalise peut-être mieux (plus ?), il révèle surtout l’excellent chanteur qu’il est. Il faut aussi souligner le brillant jeu de guitares qui prévaut tout au long de ce disque : d’arpèges diluviens en accords séraphiques, elles illuminent un peu plus cet album déjà très coloré. Et forcément, toutes ces caractéristiques « physiques » ne seraient rien sans une écriture raffinée et directe, sans fioriture. Le culte de la chanson n’est pas un vain mot dans l’esprit des Cave Singers.
Mais tout ceci ne leur a pas fait oublier leurs débuts plus ombrageux, des premiers pas qu’ils évoquent brillamment à deux reprises sur Welcome Joy. D’abord il y “Shrine”, un titre plus inquiétant que bruitiste, aux percus exotiques (pour un disque qui puise son origine dans l’americana s’entend), au chant asphyxié des premières amours et qui gronde brutalement en son milieu, une guitare perçant ce faux calme comme une balle traçante trouerait la nuit ; on imaginerait d’ailleurs bien ce titre en ghost track de la B.O. d’Apocalypse now, de L’enfer du devoir ou de n’importe quel autre grand film sur l’enfer du Vietnam. Puis il y a “At the Cut”, brûlot qui feule au milieu de tant de bonheur, rappelant les premières références à Sixteen Horsepower, et démontrant surtout qu’en la matière, les Cave Singers sont loin d’avoir perdu la main et sont encore capables d’accélérations pour le moins dévastatrices.
On préfèrera toujours ces groupes qui en gardent sous la pédale, livrant des chansons témoin de leur état d’esprit du moment mais capables, à l’occasion, de montrer les crocs. The Cave Singers vient d’abandonner son statut de rookie pour se forger une place de choix dans l’univers country-rock déjà très peuplé, celle d’outsider. Et les plus optimistes vous le confirmeront, il y a souvent beaucoup à gagner chez les outsiders.

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– A écouter “Summer Light” :