Il arrive à certains autoportraits de se révéler dans le vertige d’une figure artistique arrachée à la mémoire collective. L’existence se déploie alors dans ce troublant jeu de miroir où la ressemblance plonge en toute chose passée et partagée, où l’histoire intime se conte à travers le regard d’un autre temps clivé et projeté en soi-même, où « tout autoportrait est d’abord un portrait » (Jean-Luc Nancy). Avec Graphic as a Star, son sixième album, Josephine Foster peint en musique son autoportrait subjectif à l’aune des mots — ô combien superbes — d’Emily Dickinson. Sa folk de chambre, dépouillée à l’extrême, n’a jamais paru aussi poignante que coulant dans les déchirures de la poétesse américaine qui passa naguère l’essentiel de sa vie recluse entre quatre murs. Dans le plus simple appareil, juste accompagnée d’une guitare acoustique ou d’un harmonica, quelques fois seulement a cappella, Foster chante avec humilité vingt-six chansons/poèmes éthérées à la beauté saisissante. Les fenêtres ouvertes, de sorte à laisser entendre les trilles d’oiseaux venus recueillir ses confidences et rompre par là-même tout effet de solennité rédhibitoire. On ne sera pas surpris que les thèmes, volontiers universels et récurrents chez Dickinson, de la mort, de la nature ou de Dieu inspirent particulièrement la chanteuse mystique, proprement habitée par le verbe de la poète. Aux antipodes de l’interprétation stérile, Josephine Foster pèse chaque mot et silence comme si son chant de l’âme circulait dans un lieu familier et empreint de mystère à la fois. Un chant apaisé et lyrique qui, telle une hantise, relève de l’intériorité et de l’intuition, articule deux mondes faits, littéralement, pour s’entendre et se répondre. Car là aussi réside la suprême réussite de Graphic as a Star : faire surgir de l’absence deux présences au monde qui s’éclairent mutuellement l’une l’autre. Simplement magnifique et atemporel.
– La page MySpace de Josephine Foster
– En écoute : “My Life had stood – a Loadded Gun”