Josh Homme laisse encore un goût de fer dans la bouche avec son nouveau super groupe et ses énormes guitares. Sauf que cette fois-ci la rouille a sérieusement attaqué le métal des cordes. Et le vautour de la couverture n’est plus forcément celui qu’on croit.


Depuis le deuxième album de Queens Of The Stone Age, Songs For The Deaf et son succès planétaire, on sait le mentor Josh Homme incapable de travailler autrement qu’entouré du plus lourd casting qui soit. Autant dire que les deux sommités invitées à le rejoindre sur son nouveau projet, à savoir Dave Grohl et John Paul Jones (par respect nous n’en présenterons aucun, inutile), prommettaient du très lourd. Autant l’avouer d’ores et déjà, ce disque est une douche froide. Et après avoir prodigué ses soins auprès des pénibles Artic Monkeys (dont il a produit Humbug, leur très surestimé dernier album), cela commence à faire beaucoup pour notre Homme.

On comprend immédiatement le pourquoi de ces deux têtes de lard à ses côtés. Dave Grohl d’abord, batteur aussi phénoménal qu’il est un piètre guitariste (et compositeur), a suffisamment porté son lot de légende sur ses épaules désormais bien épaisses pour passer outre l’étiquette de « seul rescapé de Nirvana » (depuis que Chris Novoselic s’en est allé cueillir des marguerites on ne sait trop où) et n’offrir que sa seule amitié, visiblement indéfectible, au grand rouquin. Quant à John Paul Jones, sa présence au générique de cet album ressemble à un vrai rêve de gosse enfin exaucé tant Led Zeppelin a influencé le rouquin de studio. Sauf que détenir deux bolides suffit rarement à aller au bout de la route à fond la caisse, encore faut-il savoir les alimenter. Et, visiblement, Josh Homme a zappé le rodage et s’est vu sec au moment de passer à la pompe. Parce que si côté son Them Crooked Vultures arrache logiquement la gomme, question compositions il s’agirait plutôt de vieux pneus mal rechappés qui vont bien en ligne droite mais qui se déchirent au premier virage venu un peu tendu, surtout s’il est abordé pied au plancher. En clair, Them Crooked Vultures est un groupe de scène taillé pour assomer le public mais qui ne passe pas le cap de l’écoute posée. C’est bien simple, sur les 13 titres du disque éponyme, les six premiers tiennent plutôt bien la route et le douzième — “Gunman” — négocie plutôt pas mal la dernière boucle. Mais les six autres morceaux, sans être mauvais, sont juste beaucoup trop longs. Et l’on sait trop ce que la formule longueur+grosses guitares donne la plupart du temps, du remplissage. Et cet opus n’en est malheureusement pas exempt.

La première moitié de l’album possède quelques vertus lessivières plutôt bienvenues avec des riffs et des coups de tatanes prompts à arracher les dents à une meute de loups affamés lâchés dans un dortoir de fillettes. Plus fort encore, Josh Homme met ici assez régulièrement sa science des accélérations ravageuses ou des changements de braquet surhumains. De la deuxième partie de “No One Loves…”, digne des plus violents coups de sang de QOTSA, jusqu’au thème de “Scumbag Blues”, ce disco massicoté aussi poétique qu’un vautour volant autour d’un cadavre d’ours brun, en passant par le riff sanguinaire de “Elephants”, soutenu par une rythmique sévèrement burnée (même si on s’y attend, ça surprend pas mal au début), Homme fait encore montre de son savoir faire question extorsion. Il atteint même un sommet (pas son plus élevé, certes) sur “Dead End Friends”, le scud le plus sournois et le plus efficace du disque (et aussi le plus court, pas de surprise), et s’offre un petit footing à pas saccadé sur “New Fang” où le trio semble s’amuser comme lors de sa première surprise party.
Le problème survient dès “Bandouliers”, assurément le titre le plus énervant de la série, en cela qu’il commence formidablement bien sur un enchaînement d’accords simple et redoutable, une voix à la sérénité inquiétante et se fond en un refrain sacrément prometteur ; sauf qu’assez rapidement on s’aperçoit qu’il ne passe rien d’autre qu’un vague échange de hardeux qui se la racontent sur ce finale interminable — et que l’on sait assassin sur scène, d’où ce sentiment de frustration, augmenté par une production étonnamment crêmeuse. La suite, est à l’avenant, y compris sur le vaguement psyché “Interlude With Ludes” (aussi assomant que son titre). Quant à “Warsaw…”, le morceau le plus étiré de l’album (près de 8 minutes !), il est aussi le plus mauvais, avec son refrain de puceau, ses guitares à peine excitées, cette batterie qui s’ennuie à peine moins que l’auditeur, et cette montée finale qui n’impressionnera personne d’autre que les fans de Muse (ceux qui vont jusqu’à garder leur sérieux sur The Resistance s’entend). “Caligulove” aurait tout pour assurer mais se vautre en son milieu sur des claviers hideux et inutiles (l’effet Led Zep visiblement) qui tuent l’effet terminal assez travaillé. Enfin, après une “Gunman” modeste mais efficace (déjà pas mal si on considère l’étendue de ce quasi-désastre), on ne s’éternisera pas sur “Spinning In Daffodils”, estropié par une production définitivement en dessous de tout, faisant de ce titre au départ plutôt costaud une face B à peine acceptable d’une chute de studio de Outside de David Bowie.

Mettons ce ratage sur un coup de pompe logique après les 15 ans que vient de passer Josh Homme. Dommage qu’il se soit offert l’un de ses plus beaux plateaux pour livrer ce qui, aujourd’hui en tout cas, s’avère de très loin son disque le plus faible. Il est ainsi des rêves (ici celui de monter sur scène avec deux des gâchettes les plus fines de l’ouest en leur genre) qui n’ont pas besoin d’aller plus loin que la première étape. Aussi si Them Crooked Vultures a su rassembler les suffrages sur scène (et on comprend aisément comment), peut-être l’étape disque aurait-elle pu être évitée car, finalement, ce groupe finit par ressembler à autre chose qu’à un super groupe : une pompe à cash. Et ça, c’est juste impardonnable.

– Le site officiel

– En écoute : “Gunman”