Victoria Bergsman et son ami guitariste ont quitté leur Suède natale pour aller enregistrer le second Taken by Trees au Pakistan. Une expérience humaine et musicale pour un album délicat et inspiré.
Victoria Bergsman est suédoise. Elle a 32 ans, un visage de pierrot lunaire et une coupe de cheveux quelque part entre Jeanne D’Arc, Chan Marshall et Agnès Varda. Victoria a été chanteuse de The Concretes, le temps de deux albums (plus deux compilations) entre 1995 et 2006. Cette même année elle prêta sa voix à “Young Folks”, hit sifflotant et imparable de Peter, Bjorn & John.
En 2007, elle enregistre Open Fields, premier album sous le nom de Taken by Trees. Deux ans plus tard apparaît East of Eden ; plus qu’un disque, un projet audacieux en forme de voyage initiatique au bout du monde. Téméraire, Victoria choisit le Pakistan. From Stockholm to Lahore. Elle part accompagnée du guitariste Andreas Soderstrom et tous deux partageront un périple aussi surprenant que déstabilisant. Rares sont les musiciens qui tentent ce grand saut, géographique et culturel, mettant en jeu leur confort matériel au profit de découvertes et de rencontres.
En neuf morceaux pour un peu plus de trente minutes, East of Eden est une réussite, douce, simple et envoûtante. Placée en ouverture, “To Lose Someone” est une belle invitation au voyage. Quelques arpèges d’une guitare que l’on croirait andalouse, un rythme souple de percussions paki, puis un gimmick guitaristique addictif ; enfin, la voix mélancolique de Victoria, à laquelle répondra celle aussi pure d’un chanteur pakistanais. Une chanson de perte qui vous porte bien haut dans le ciel.
Le ton est donné, la fusion est effective, les échanges de chaleurs climatiques jouent à plein. Sur “Anna”, Victoria invite Noah (Animal Collective) pour une pop song qui présente Lahore à un New-York et qui serait située quelque part sur le continent africain. “Watch the Waves” synthétise aussi ce fantasme de voyage perpétuel, toujours avec motifs espagnols, percussions orientales et discrètes touches electro. Plus loin “Wapas Karna” est un authentique morceau pakistanais, sans trucage ni filet.
Victoria ose et c’est bon. Comme cette reprise inversée du “My Girls” d’Animal Collective, ici rebaptisée “My Boys”. Ensuite débute “Day by Day”, comme un mantra ; pieds nus, fleurs dans les cheveux, robe en lin, on imagine Victoria dans une sweet transe au coin du feu. Pour clore le trip, “Bekännelse” est une mise en musique contemplative en version suédoise d’un poème d’Hermann Hesse, voyageur d’un autre temps à l’Est du globe. “Bekännelse” se traduit par “confession” et Victoria déclarait au Sunday Times en août 2009 : « It summed up how I felt about the recording. You should always be serious and wanting to learn about yourself, but you should also be critical of yourself. Mysticism can be found anywhere » (trad: « [Le poème] résumait ce que je ressentais de l’enregistrement. On devrait toujours être sérieux en apprenant sur soi-même, mais on devrait être tout aussi critique envers soi-même. On peut voir du mysticisme n’importe où.« ).
Spirituellement inspirée et visiblement touchée par son aventure, l’humble Victoria dépose une oeuvre originale et délicate, comme un rayon de soleil après la pluie. Elle prouve, en outre, que le choc des cultures n’est qu’une sinistre présomption, et qu’avec respect et ouverture d’esprit, tous les mariages sont possibles.
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– Clip vidéo de « My Boys » :