Des Espagnols prenant pour patronyme le nom de la capitale japonaise et chantant en anglais des hymnes rock’n’soul, voilà qui ne manque pas de piquant. The Neighbourhood est le quatrième album du groupe, brûlot politique censé raviver la flamme révolutionnaire qui maintenait l’Amérique de la fin des années 60 éveillée. Il est étonnant de voir, à ce titre, combien le rock espagnol est encore teinté de politique alors que celle-ci a complètement disparu du champ musical anglo-saxon (et français aussi, au passage) ; est-ce lié à leur histoire récemment martyrisée, à la présence encore bien effective d’un terrorisme aussi aveugle et anachronique que disproportionné ? Peu importe, les quelques fois qu’un disque traverse les Pyrénées, il est encore souvent porteur d’un message, souvent libertaire. Et Tokyo Sex Destruction ne déroge pas à la tradition. C’est d’ailleurs l’intérêt de ce groupe qui manie un langage tellement anglais — le punk — pour relancer des spectres bien américains — l’oppression raciale — en provenance d’un pays gangréné par des questions vaguement ethniques, aujourd’hui aggravées par une crise économique sans précédent. Jamais le punk-rock n’est aussi intéressant que lorsqu’il est le porte-parole d’une vraie colère, qu’elle soit générationnelle, communautaire ou sociale. Reste que sur le plan musical, derrière la production impériale de Gregg Foreman, les chansons de The Neighbourhood pèchent par trop de loyauté et oublient parfois d’aller voir ailleurs. Ainsi, le combo, s’il brille par sa maîtrise des percussions, des claviers et des rythmiques, finit par uniformiser sa musique à trop vouloir proclamer, et oublie tout simplement de diversifier son écriture. Vampirisé par le spectre des Rolling Stones, car qui mieux qu’eux ont su à ce point mélanger ces mêmes langues, de leurs débuts à Exile On Main Street, souvent rappelé ici ? L’album souffre d’un manque de recul qui eût été salutaire, reléguant Tokyo Sex Destruction au même niveau que les sympathiques bostoniens Dropkick Murphys — avec peut-être un poil moins de gouaille et un chouïa plus de curiosité. C’est dommage, tant l’effort porté sur le son, les guitares et le chant mériterait un terrain de jeu plus vaste. Demeure un groupe authentiquement en colère et un disque attachant qui risque malheureusement de ne renverser aucun gouvernement, fût-il musical.

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