Troisième album pour un groupe qu’on aurait tort de considérer comme insignifiant. Un album au classicisme délicieux, positionnant désormais Frightened Rabbit comme une référence dans la grande famille de la pop d’outre-Manche.


Déjà le troisième album pour ce combo écossais qui nous était tombé dessus avec Sing The Greys, un album de pop à guitares so british, gentillet mais sans grande envergure, et sans danger pour les chefs de file du genre, Coldplay en tête. L’histoire de Frightened Rabbit avait pris un tout autre sens avec The Midnight Organ Fight, un deuxième album éclatant d’évidence, qui portait le duo bien au dessus de leurs rêves d’accomplissement les plus fous. The Midnight Organ Fight était le deuxième album rêvé, une petite consécration, et la promesse d’un avenir économique et musical assuré, renforcé par des concerts de plus en plus enflammés et, parallèlement, de plus en plus fréquentés. Il n’est rien de dire que FatCat Records voyait dès lors en ce duo bien innocent l’assurance d’un grand groupe en devenir. En cela, The Winter Of Mixed Drinks remplit toutes les clauses du contrat.

Si rien ne change fondamentalement sous les cieux des frères Hutchison (Scott et Grant), avec cette brit pop à l’énergie dosée pour les grands espaces, lyrique et enguirlandée, il est indéniable qu’ils ont franchi une étape supplémentaire et encore une fois décisive. D’abord le duo s’est vu renforcé par trois autres membres, et un vrai groupe pour porter de telles mélodies n’est pas un luxe. Ensuite, s’appuyant sur un talent de composition qui ne doit plus rien à personne, le jeu s’est naturellement musclé, et c’est précisément ce qui frappe sur The Winter Of Mixed Drinks. Le single “Swim Until You Can’t See The Land” ou “The Loneliness And The Scream” sont de vraies tornades, en mesure de projeter n’importe quel stade ou festival surpeuplé en orbite. Non pas qu’il s’agisse d’un gage de qualité, mais la preuve irréfutable que Frightened Rabbit a su s’octroyer la puissance de feu nécessaire à cette musique.
Frightened Rabbit se distingue des autres groupes du genre par une odeur de sueur sur des nippes mal découpées. On voit dans leur univers les marques de souffrance, les coups de crayons et les poils de pinceaux. Le biseau a parfois dérapé et le rabot était mal affûté. Cette absence de codes (à l’exception de l’incontournable montée en puissance en fin de chanson) confère à Frightened Rabbit un énorme capital sympathie et cette authenticité non feinte tellement appréciable dans un genre par ailleurs ultra référencé. Certes, ici ou là, la complainte est un peu rouillée et l’on peut y deviner, à l’occasion, l’empreinte mal effacée d’un calibre retiré trop tard. Mais difficile de résister au chant explosif de Scott Hutchison sur ces guitares exubérantes. Impossible de ne pas fondre sous la chaleur de mélodies altières et frondeuses. Inutile d’esquiver les coups de butoir de ce qui manquait jusqu’ici à la musique des Ecossais, une vraie rythmique.

Malgré une certaine linéarité dans le style, Frightened Rabbit est en voie pour construire, dans un style archi-saturé, une niche dans laquelle il fera bon vivre et que les fans de la première heure seront toujours ravis de retrouver même quand les affres de la célébrité seront passées par là. On peut espérer pour Frightened Rabbit un avenir similaire à celui de Nada Surf outre-Atlantique, un petit groupe sans conséquence mais qui illumine la vie de ceux qui ne les ont jamais lâchés. En attendant, cet album est un ravissement simple, s’en priver serait du gâchis.

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– En écoute, « Nothing Like You » :