Un trio pop un brin frappadingue s’autorise d’audacieux grands écarts sans perdre de vue les belles harmonies. Une leçon d’éclectisme carabiné.
Encore une formation qui n’a pas volé son nom. Le casse cou de Christopher Wright (« Daredevil », in english) est un trio pop originaire de la ville d’Eau Claire dans le Wisconsin, toujours premier lorsqu’il s’agit d’exécuter de drôles acrobaties stylistiques d’une plage à l’autre : folk lustrée, indie rock dévissé, power pop luxuriante et l’on en oublie… Ce goût de l’enchainement risqué leur a inspiré le titre leur premier album « En référence à un dos cassé » et peut-être même le morceau d’ouverture, “Hospital”.
Loin pourtant d’être des bras cassés, les frères Jason et Jonathan Sunde, ainsi que le batteur Jesse Edington, se distinguent en habiles touche-à-tout qui n’ont pas leur pareil pour charpenter des harmonies emplies de préciosité. A l’inverse, ils peuvent parfois devenir les garnements les plus turbulents de la terre sur un rock dévergondé (expliquations plus bas). C’est là tout le paradoxe de leur musique carnavalesque. Du fait d’un budget certainement serré en studio, nos trois hyperactifs ont peut-être manqué de temps pour mettre en oeuvre toutes leurs ambitions sur ce disque pleins à craquer d’arrangements mignons, débordant mais jamais débordé. De ce fait, leur pop à tiroirs est contaminée par une énergie qui fait plaisir à entendre. Dès la première prise de contact, on prend curieusement son pied à les suivre en filature dans leurs cambriolages inopinés et autres changements d’humeurs. Torcher quelques folksongs de chambre (“Hospital”, “War Stories”) puis reformer le big bazar – sur l’enthousiasmant “A Near Death Experience At Sea” (avec ses choeurs radieux à la “Surfin’USA”) — c’est possible, The Daredevil Christopher Wright l’a fait. Sur “We’re Not Friends”, ce sont les Fleet Foxes surpris en train de tricoter des barbelés de guitare électrique rugueux. Et toujours avec un entrain et une énergie fédérateurs.
Mentionner sur les crédits du livret l’utilisation de clappements de mains pourrait sembler un détail superficiel — cela intéresse qui franchement, si ce n’est pour gonfler le paragraphe ? Mais au sein de ce trio, l’ovation est une règle de savoir vivre auquel chaque musicien participe. Où il en va de la bonne vibration de l’album. Toujours dans les notes (on adore ça, éplucher les notes), une page entière est consacrée au régiment de musiciens qui se bousculent pour grimer leurs chansons de violons, cuivre léchés et choeurs — mentionnons également au casting un joueur de pipeau sur le salon baroque “The East Coast”. Ils ne sont pas de trop pour faire naître ces mini splendeurs orchestrales. Elégamment habillé de son vieux bois vintage (un orgue, un Wurlitzer), le trio nous propulse alors vers les hauteurs étoilées de Big Star (“Acceptable Loss”, “Clouds”). Aussi devant tant de délicatesses, on se surprend à lire au détour d’une mélodie guillerette des paroles à l’humour incroyablement morbide — “A Conversation About Cancer”, le titre parle de lui même. Autre point intriguant, l’un des deux frères possède un grain de voix aigu et grinçant qui serait non sans rappeler l’euphorie déviante d’un Neutral Milk Hotel. Avec un cancre si attachant, le registre des harmonies vocales semblerait limité. Sauf qu’à l’unisson, le trio épouse la clareté des harmonies du Buffalo Springfield (si ! si !), écoutez le pastoral “War Stories”. Bousculés que nous sommes d’une extrême à l’autre, In deference to a Broken Back est à en perdre son latin.
Dernier détail, ces garçons sont sous la tutelle de Justin Vernon aka Bon Iver. Le songwriter casanier originaire du même patelin est tellement fan qu’il s’est chargé du mixage quasi entier de l’album. Mais cela, nous vous le gardions pour la fin, car The Daredevil Christopher Wright peut très bien se passer de ce génie de plus tant ils assurent.
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