Entre l’aridité du désert américain et la plénitude qu’il finit par engendrer, Lilium sort un troisième album de soleil et de poussières.


Après nous avoir gratifié, en 2001, d’un premier album pratiquement instrumental, Transmission of all the good-byes, puis, en 2003, d’un recueil de nouvelles au carnet d’adresse plutôt fourni avec Short Stories — disque sur lequel se retrouvaient aussi bien les fidèles Jean-Yves Tola et David Eugene Edwards (camarades de jeu de 16 Horsepower) que les cendres de Morphine (Conway et Colley) ou bien encore Tom Barman de dEUS et John Grant des Czars –, Lilium revient donc cette année avec une nouvelle production.

Pascal Humbert semble avoir, pour ce faire, tracé les lignes au cordeau d’un album droit dans ses santiags. Très peu d’invités, mais plutôt une équipe rodée et soudée : Hugo Race (ex-Bad Seeds en électron-libre du folk-rock US) vient prêter sa voix caverneuse et usée d’homme de vécu, Kal Cahoone pour la présence des voix féminines désabusées, magnifique «Lily Pool», Thomas Belhom toujours affuté derrière ses toms et le guitariste de l’ombre Bruno Green forment l’équipe de choc de ce disque sans concession (mais Humbert, depuis Passion Fodder jusqu’à Woven Hand n’en a-t-il jamais fait ?).

Dans la lignée des espaces dessinés par Howe Gelb, le pedal-steel et les trompettes lointaines nous révèlent ces paysages d’une Amérique désolée, sereine (« Felt » le bien nommé), quand un soleil se couche sur une journée bien remplie, la pesanteur de la chaleur restante qui prédit un « Miracle ». Mais se dessine, aussi, un retour vers une Europe électronique dans ce ténébreux instrumental qu’est « Amsterdam-Paris », hanté par de petits rythmes artificiels.

Les transitions de ces ambiances faussement calmes, feutrées par les voix, et les tensions des passages musicaux intercalés, construisent un album à l’unité insolente et rare. Si le fantôme de Calexico rôde, il n’en est bien que le spectre dépossédé des artifices d’une quelconque fiesta sud-américaine, la face encore plus sombre et près de l’os de ce rock sudiste. Car il s’agit bien d’une rigueur sans fioriture ni compromis, le chant d’une supposée solitude, qui se vit comme oeuvre de salubrité personnelle et salvatrice, et se termine en ode à la croyance infinie, terrible et magnifique (« Believer »).

Et ce disque de s’écouter nonchalamment assis dans un rocking-chair, des frissons sous le Stetson, avec Jack et Daniel pour compagnons, en attendant les coyotes.

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