Hanté et anti-héroïque, le duo féminin d’Amanda Brown et de Bethany Cosentino remue les idées et les fantasmes d’un rock qui copulerait sans limites avec des genres musicaux transversaux (jazz, funk…). Le tout saupoudré d’un psychédélisme qui ne simule en rien la jouissance qui en découle.


Mantras chamaniques, dub hypnotique, drone rougeoyant… avec Pocahaunted, les inspirations marabout et bout de ficelle déboulent vite sur un début de « trans » non pontifiée. Les fulgurances cosmiques des deux prêtresses américaines (Amanda Brown et Bethany Cosentino) assaillent sévèrement le conduit auditif, provoquant ivresse et perte des repères, dues à leurs chants incantatoires.
Nos deux revendeuses en produits musicaux illicites écoulent ainsi tranquillement la marchandise sous le manteau depuis 2006, sans que rien ne puisse leur être reproché. Habituée des signatures sur des labels confidentiels, leur musique nourrit pourtant, depuis bien longtemps, cette curieuse scène californienne gorgée de pop baroque et de psychédélisme folk.

Leur musique obsédante, limite aliénée, n’est pas sans rappeler les fulgurances « white soul » de formations comme A Certain Ratio — époque où de jeunes blancs-becs au jeu neurasthénique refroidissaient un funk érotique trans-atlantique par un état dépressif teinté de « Northern Soul », très couleur locale.
L’impeccable rythmique hypnotique de Pocahaunted, toute reverbe dehors, replonge par moments l’auditeur dans le Manchester sans issue des années de vache maigre de la Factory de feu Tony Wilson.

On pense aussi au funk rachitique de ESG (issu de la même usine), voix blanches nerveuses de femelles agitées, avec cette basse onanique et mécanique répétant, inlassablement, le même motif, jusqu’à sa complète absorption. D’ailleurs, un de leurs titres sur cet album se nomme « U.F.O » : simple signe du destin ou clin d’oeil appuyé à la formation des soeurs Scroggins ? On penche, bien sûr, pour la deuxième hypothèse.
Ce disque — Make It Real — enregistré et produit comme un live, possède également un son approximatif qui vrille parfois dans les basses, renvoyant à une impression d’amateurisme rafraîchissant, avec ces hoquets pleins de ferveur et les longues litanies oniriques et expressives des deux diablesses.

La cérémonie païenne de Pocahaunted fidélisera donc sans mal les croyants en un rock capable d’échappées sensuelles avec la soul music la plus primitive, et s’occupera de convaincre les plus impies du bien fondé de la célébration de cette messe secrète.

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– A voir et à écouter: « All Of Is Of »