Le disque des cinq post-ados d’Avi Buffalo aura passé une partie de l’été dans notre sac de plage, compagnon idéal de cette période dédiée à l’oisiveté. Mais une fois les parasols rangés, l’album survivra-il à la saison ? That is the question.
Qu’il est joli ce disque d’Avi Buffalo, qu’il sent bon la plage, les couchers de soleil et les petits matins pâles. Et comme il sait si bien évoquer l’adolescence — terre perdue dont on ne sait jamais si on l’a un jour réellement connue — évanouie à jamais et sans cesse remémorée comme un vieux rêve brumeux.
Les Californiens d’Avi Buffalo (comprenez le groupe du jeune Avigdor Zahner-Isenberg) endosse si bien l’attirail du parfait groupe pop-folk nord-américain (quelque part entre Neil Young, Love ou encore les Byrds ) que ça en est sincèrement touchant. Tous ces groupes rêvés, fantasmés au-delà du possible, que l’on retrouve à chaque fois convoqués sans faute dans le jeux des comparaisons — comme un gimmick un peu téléphoné — dans chacune de ces nouvelles formations capables d’un peu de délicatesse et d’harmonies vocales au-dessus de trois octaves.
Cet album d’Avi Buffalo ressemblerait presque à un parcours sans faute, si seulement nous n’étions pas aussi rabat-joie. Une pop câline jouée sur la pointe des pieds par des jouvenceaux ébahis, douces berceuses réverbérées miaulées par Avigdor et sa petite bande, qui extirpent avec une aisance rare de la boîte à chapeau des mélodies arachnéennes pleines d’une pureté quasi virginale.
Cependant, à force de cajoleries naïves un peu feintes, il arrive qu’un léger engourdissement du cortex pré-frontal se fasse sentir, débouchant alors sur une aphasie sensorielle un poil fâcheuse.
Cet album est certes remarquable, mais ne le serait-il pas d’autant plus sans cette dévotion bigote pour un esthétisme de super8. Une ambiance de fleurs fanées un peu poussive, qui souligne au marqueur rose pastel ô combien ce groupe sait tricoter avec la nostalgie de poche.
Ce premier jet pêche en effet, parfois, par trois fois rien d’excès de zèle et de propreté qui finirait presque par le vider de son contenu charmant.
Les mélodies s’égrainent sans trop de risque, faisant leur petit tour de piste avant de s’éloigner en claudiquant au loin sans que nous ayons eu le temps d’en retenir quoi que ce soit de bien probant.
Le garçon Avi’Zahner-Isenberg est à l’image même du bon élève : rempli d’excellentes intentions (et souvent de bonnes idées), sachant charmer comme personne son auditoire avec des ballades crève-coeur (« coaxed », « Jessica ») aux envolées d’arpèges cristallins capables de vous soulever l’âme et le coeur et de les transporter au-dessus des nuages. Mais quelque chose échappe malgré tout indubitablement à tout cela. Ne manquerait-il pas juste un peu de fièvre, un soubresaut de déraison, un caillou dans la chaussure ? Peut-être finalement un peu trop appliqué l’élève Zahner-Isenberg ? À la manière de ces chouchous de la classe à qui tout réussi trop facilement — un tantinet tête à claque aussi. Car, par pur esprit de contradiction et tant que nous en sommes aux confidences, osera-t-on avouer que l’on préfèrera toujours, secrètement, le branleur mal appliqué, bricolant dans son coin des poèmes mal attifés, tachés d’encre et de miettes de pain, aux devoirs assidus du bon disciple ?
On aime pourtant beaucoup se repasser le titre « What’s in it for », sûrement à cause de ce parti prix pugnace à vouloir à tout prix coller aux basques de Galaxie 500. Un hommage — ou plutôt un aveux pieu — de se rêver appartenir à une famille que l’on voudrait voir sienne ? Avi Zahner-Isenberg revendique ici tout seul la filiation évidente en réussissant, sans agacer, les mêmes feulements de chat mouillé que ce bon vieux Dean Wareham, faisant ainsi de son titre un petit cousin éloigné de l‘album On Fire des Bostoniens.
Malgré ce bémol qui n’en est pas réellement un, ce qu’on ne reprochera pas en revanche à Avi Buffalo, c’est de se rendre coupable du péché d’orgueil. Car le jeune groupe que le monde entier s’empresse d’habiller d’un costume surement deux fois trop grand pour lui, préfère avec l’humilité de ses 20 ans concéder à sa pop fleur bleue la juste place qui lui revient, quelque part entre la douceur des Shins et les frères de lait Fleet Foxes.
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– En écoute : « What’s in it for » :