S’appuyant sur leur solide identité, les étalons de Seattle font le grand ménage traçant la route, mais pas toujours dans la bonne direction…
C’était prévisible, presque prévu : Band Of Horses, formation issue de la fantastique scène indie-rock de Seattle (Damien Jurado, Fleet Foxes) gagne en popularité, prenant une certaine ampleur médiatique. De fait, après l’album dit de transition qu’était Cease to begin — où le groupe négociait alors habilement le départ de l’un ses éléments clés, le co-leader Mat Brooke parti formé les non-moins talentueux Grand Archives — les objectifs furent revus à la hausse. Ce troisième opus en perspective, Ben Bridwell et les siens envisagèrent dès lors leur art de façon plus modérée, accentuant leur penchant bucolique au détriment d’une frontalité musicale qui légitimait, à l’époque de leur premier album, leur présence au sein de l’écurie Sub Pop. Forts d’une écriture désormais collective, distribué à présent par un label à la mesure de leur ambition, et après un énième remaniement de personnel, Band Of Horses signe avec Infinite Arms un album sous forme de plaisir-coupable, léché et soigné au-delà du raisonnable, mais qui peut s’avérer quelque peu déconcertant pour les fans de la première heure.
Si le groupe conserve ici encore suffisamment de caractère pour être identifiable, il frôle pourtant à plusieurs reprises la bande d’arrêt d’urgence, remettant en question notre attention à son égard. Non pas que ce disque soit intrinsèquement raté (on peut même parler de réussite dans sa catégorie), mais l’affection que l’on porte à Band Of Horses nous contraint à l’honnête constat que ce n’est simplement pas le genre d’oeuvre que nous attendons de leur part. Soit un album bien trop sage, bien trop radio friendly pour qui connaît le parcours de ses auteurs (“Dilly” et sa mélodie passe-partout que Weezer aurait accueilli à bras ouverts). Ainsi, la formation opère un glissement plus ou moins habile : de groupe indie-rock s’inspirant de la country et de la folk, il est soudainement devenu l’inverse (“Older”, “Infinite Arms”).
Le quintette ne prend cependant personne en traître, annonçant même fièrement la couleur avec le grandiloquent et spectorien “Factory”. Chanson d’ouverture (il est vrai et autant l’admettre, idéale) peuplée de cordes et de cuivres, toujours à la limite de la valse sans totalement en être une, son écoute évoque beaucoup le travail de Grand Archives, faux-nemesis mais vrai jumeau de nos canassons du jour. D’emblée, on retrouve nos repères par le biais du chant de Ben Bridwell, dont le timbre toujours aussi aguicheur vient se poser naturellement sur une instrumentation plus en retenue et boisée qu’à l’accoutumée. Pour autant, lorsque la formation lâche la bride l’espace de quelques — trop rares — titres plus habités ou musclés (“Compliments”, “Laredo”, “Northwest apartment”), elle démontre qu’elle a toujours autant de corps que de coeur. En réalité, son problème au jour d’aujourd’hui serait plutôt à chercher du côté de sa carence d’âme, et du significatif désintérêt qui en découle. Tout cela manque cruellement d’incarnation et trop de titres ne sont là que par pur acte de présence, occasionnant à l’album un gros ventre mou. Band Of Horses confond ici diversité et dispersion pour un résultat, au final, plus scolaire que solaire, au sein duquel se délite dangereusement le talent (pourtant insolent) de Bridwell. Il apparaît alors évident que ce dernier n’est jamais aussi bon que lorsqu’il endosse le statut de dictateur artistique plutôt que celui d’apprenti démocrate. Que ses camarades nous entendent et lui rendent son leadership.
– Site officiel
– Lire également la chronique de Everything All the time (2006)
– Ecouter, « Laredo » :