Anciennement Pivot, le trio instrumental de Sydney en a profité pour donner vie et voix à son laboratoire electro-rock grouillant et malsain. Welcome to the Church of Noise.
Amputé de ses voyelles, Pivot sera désormais PVT. Pour être tout à frais franc, ce changement d’alias ne va pas bouleverser l’ordre mondial établi. Peu d’entre nous avaient pris connaissance de l’ancienne enveloppe de ce trio australien instrumental lors de la sortie de son premier album, en 2008, même si déjà sous la protection enviée du label Warp. On peut même faire abstraction de ce passé, car Church With No Magic est l’oeuvre d’un groupe qui s’est réinventé. Et d’une manière éloquente.
O Soundtrack of My Heart était un premier long format electro/rock biberonné aux seventies, l’anachronisme allant jusqu’au design de l’album réalisé par le français Michel Granger, qui a signé la pochette du Oxygene de Jean-Michel Jarre. S’il reste bien quelques bribes de leur ancienne méthode sonique — des instrumentaux chamaniques transfusés à la technologie analogique et le rock choucroute (Krautrock pour les non initiés) –, la voie(x) empruntée est désormais ailleurs. Tourner en première partie du math rock séminale de Battles semble les avoir décidé de s’orienter vers un futur nostalgique où les machines domineraient le monde et imiteraient l’homme.
Après donc avoir remonté le temps et s’être égarée dans les failles spatio-temporelles du space rock hybride, la fratrie Richard (multi-instrumentiste, chant) et Laurence Pike (Batterie, claviers) ainsi que l’ami d’enfance Dave Miller (machine et « bonus noise », dixit le livret) ont appris à manipuler la grande horloge, modifier le passé grâce à leurs bidouillages et autres technologies avancées. Point crucial de cette remise en question, le trio « Terminator » a inclus des parties de chant dans son métabolisme et s’en est vu brutalement modifié. L’apport mélodique est forcément plus frontal et leur permet d’ouvrir leur champs d’exploration, voire de faire un saut de trente ans en avant. PVT concourt désormais dans le cercle des formations rock novatrices de 2010.
Avec ce dense Church With No Magic, il sera difficile de taxer PVT de redondance. Chaque nouvelle piste se donne en effet pour principe d’effacer les schémas de construction élaborés précédemment. Ce serait d’abord un Battles (oui, forcément) moins technique, épris d’équations mélodiques explosées (“Church With No Magic”, très proche du phrasé vocal de Tyondai Braxton). Moins obnubilée par l’architecture métronomique de leurs collègues de Warp, la section rythmique n’en est pas moins colossale, notamment sur le terrassant “Light Up Bright Fires”. La violence de la batterie est telle qu’on suspecte l’ingénieur son d’avoir écouté “When The Levee Break” de Led Zep lors des prises micro (ainsi que le finale pétaradant “The Quick Mile”).
Sur “ Window” , premier (seul ?) single évident, Richard Pike martèle sa voix claire de telle sorte qu’elle en devienne pulsative, jouant à jeu égal avec une batterie enlevée dans une polyrythmie. Plus étonnant, ses harmonies claires empruntent parfois des chemins sacristains terrifiants qui nous éclairent sur le sens du titre de l’album (“Crimson Swan” et son chant guttural, “The Quick Mile”, “Circle Of Friends”). Autre climat, nettement plus oppressant, avec l’unique plage instrumentale, “Waves & Radiation”, les synthétiseurs étouffants façon John Carpenter semblent piégés par une batterie massive et des guitares âpres post-punk. A la vérité, le trio s’est emparé du légendaire Yamaha CS80, imposante machine analogique utilisée par Vangelis pour prendre les commandes du vaisseau amiral de Blade Runner… En réactualisant une telle arme, PVT vient de réactiver la guerre froide.
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– Light Up Bright Fires en vidéo :