À l’instar de Roky Erickson, dans un registre certes extrêmement différent, Mavis Staples peut, aisément, être perçue comme une born-again sur le plan artistique….


Tout comme le Texan après la dissolution du 13th Floor Elevators, cette grande dame de la soul peina quelque peu à donner un second souffle à sa carrière, après des débuts familiaux au sein des Staples Singers. Affranchie de sa formation historique, elle connut par conséquent une fin de seventies et — surtout — des eighties difficiles sur le plan artistique, comme cela peut souvent être le cas chez les musiciens plus à l’aise avec l’organique qu’avec le synthétique. Puis vint, de l’aveu même de l’intéressée, l’époque bénie où le label Anti prit en charge la carrière de celle qui, dans l’esprit collectif, chanta pour Martin Luther King lors de la marche du 28 août 1963. De cette signature inespérée naquît alors un album d’une classe folle, We’ll Never Turn Back, produit par l’autre légende Ry Cooder, revisitant un répertoire traditionnel ayant pour thématique centrale la lutte afro-américaine du mouvement des droits civiques. Un chaleureux live plus tard, la benjamine de la fratrie de filles Staples se rappelle donc à notre bon souvenir, refaisant parler d’elle par le biais d’une étonnante, mais en définitive assez logique, collaboration avec le frontman de Wilco, Jeff Tweedy.

Partant du même postulat que sur le précédent album, le producteur-vedette et la chanteuse-star décidèrent conjointement de se pencher sur une série de reprises de classiques, populaires ou traditionnels, agrémentées de deux chansons originales que Tweedy composa tout spécialement pour l’occasion. La première des qualités de ce disque est sans doute qu’il vieillira bien, puisqu’il semble sans âge : cross-over idéal de ce que la musique noire américaine sait et sut offrir de plus revigorant, les sonorités proposées ici doivent autant au gospel qu’au rhythm and blues mais, finalement, assez peu à la soul, catégorie au sein de laquelle Staples est communément classée. Il se dégage donc de ce disque un côté feel-good album dû, notamment, à l’exemplaire sobriété d’une instrumentation se basant essentiellement sur l’efficacité rythmique d’une section basse/batterie au groove impeccable. Sur ce support rêvé, le guitariste développe alors une série de riffs et de soli habités, jouant l’ensemble tout à l’économie. Si quelques arrangements pointent de ci et de là le bout de leur nez (interprétés, entre autres, par le multi-instrumentiste Pat Sansone, échappé lui aussi de Wilco), ils restent d’une salvatrice discrétion, parant, sans les charger, certaines de ces chansons d’atours à la bénéfique rondeur.

Bien loin de la cohorte de revivalistes actuels, qui tentent jusqu’au ridicule de reproduire tant bien que mal le précieux son des productions Stax circa 1966, Staples, tout en s’appuyant sur la culture musicale dont elle est issue, offre présentement une oeuvre tout sauf nostalgique, s’inscrivant au contraire dans la suite logique de son engagement, tant social que politique, citant ainsi ponctuellement le passé pour mieux parler du présent. En cela, Mavis Staples n’est donc ni supérieure ni inférieure à ses contemporains, mais simplement ailleurs, et c’est justement cela qui la rend si précieuse et estimable.

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– En écoute : « You are not alone »