Le frontman de Cursive et The Good Life se met à nu pour la 1ere fois en solo. Un brillant exercice indie-pop en forme de journal intime un peu exhibitionniste.
Puisque vous lisez en ce moment même Pinkushion, probablement connaissez-vous le fort bon label Saddle Creek. Si c’est le cas, sans doute avez-vous aussi déjà entendu parler de l’excellente formation indie-rock Cursive. Peut-être, même, serez-vous capable de sortir le nom de son chanteur, lors d’un prochain indie-quizz au sein de quelques hauts-lieux d’enivrements pour hipsters. Mais ce que vous ne savez vraisemblablement pas encore, c’est que ce dernier s’apprête à devenir votre meilleur pote en cas de déprime liée à un quelconque échec sur le plan sentimental, et que cette soudaine nouvelle amitié a pour cause l’écoute aussi prolongée que répétée de son premier album solo.
Autant y aller tout de go : depuis le second album de Patriotic Sunday, on n’avait pas entendu une pop aussi malicieuse, fine et brillante. Le choc musical est certes brutal, mais bien moindre que celui provoqué par la découverte de paroles empreintes d’une profonde désillusion lorsqu’il s’agit d’évoquer l’entité couple et les potentiels dommages collatéraux qu’elle est parfois capable d’occasionner. Voir, pour s’en convaincre, les titres sans ambiguïtés des chansons: “Cold Love”, « There Must Be Something I’ve Lost », « Bad, Bad Dreams ». Autant de joyeusetés semblant indiquer assez clairement que leur auteur a plutôt morflé récemment. Pourtant, Kasher, tout en crachant son fiel sur ce qui le f(a)it souffrir, décide d’en prendre intelligemment le contre-pied, refusant l’apitoiement, transformant sa tristesse en festive colère. Car l’humeur de sa musique ne va pas de pair avec les textes qu’elle soutient et offre une variété d’atmosphères tantôt délicates, tantôt énergiques et, ce, sans jamais cesser d’être extrêmement pop. De « Monogamy Overture » tout en cordes enivrantes jusqu’à la touchante vulnérabilité de « The Prodigal Husband », on traverse un champ aux étendues harmoniques portant à perte de vue. À la découverte des vigoureuses attaques de cuivres de « I’m Afraid I’m Gonna Die Here » et « Bad Bad Dreams », ou des impétueuses mélodies chatoyantes du hit qu’est « Cold Love », difficile d’imaginer à quel point leurs paroles peuvent être acerbes («Â I want have sex with all my old girlfriends again  » clame-t-il sur “There Must Be Something I’ve Lost” avant de finir sur un «Â Aww fuck it, it’s just typical male conquest  » aussi lucide que désabusé).
En la matière, on aura uniquement en tête Loudon Wainwright comme seul équivalent à Tim Kasher, pour cette façon d’être impudique, tout en chargeant son propos d’une dose de sarcasme virant parfois au cynisme. Ce traitement un peu masochiste de son propre parcours amoureux et la représentation qu’il en offre donnent ainsi au disque son statut assez singulier de concept-album prenant la forme d’une sorte d’opéra-rock psychanalytique. Il lui confère par là-même une place tout à fait à part au sein de la scène indie-rock actuelle, ne serait-ce que de par le simple fait d’avoir su oser faire rimer légèreté avec gravité. Ou quand l’audace peut vous pousser à réaliser de grandes et belles choses.
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Tim Kasher – « Cold Love » :