Sur la scène de l’International mardi 8 février dernier, les parisiens ont eu l’occasion d’écarquiller les yeux d’étonnement : une silhouette filiforme casse consciencieusement une à une les cordes de sa guitare à la fin du set. Le tout avec aux lèvres (croit-on voir ?) un sourire désarmant.


Ses parents étaient allés voir Gainsbourg en concert alors que le petit était encore intra-utérin. Il appartient à la génération Jordy/Minikeums. Ses premiers désirs de chanson avaient sans doute donc à voir avec un super héros appelé « super banane » qui planquait son costume dans la boîte à gant d’une voiture. Au collège, il écoutait beaucoup (trop) AC/DC et ses premiers carnets de chansons parlaient de démons, de fantômes et de Satan… L’histoire nous dira qu’il n’a pas beaucoup évolué depuis.

Il voulait devenir astronaute, mais quand il a vu une fusée exploser en direct à la télé, il a finalement opté pour le rock’n’roll. Gainsbourg, Brassens, Gérard Manset et la BO de Trainspotting bercèrent Sam Nolin. Son premier concert, c’était Les Négresses Vertes avant la mort de Helno. Aujourd’hui, à 22 ans, il a emmagasiné une somme de références si hallucinante qu’on pourrait le croire né en 1958. Une faille spatio-temporelle a dû se produire concernant ce garçon. Il a joué juste avant Patti Smith à New York dans une église pour un marathon de la poésie, non pas en 1971 devant Andy Warhol et Robert Mapplethorpe comme il conviendrait, mais quarante ans plus tard, mort de trouille mais bien à l’heure au rendez-vous de son destin.

Geek musical, amoureux au cœur enflammé, sa jeunesse flottante dans le pantalon trop grand de sa maturité, il réalise aujourd’hui un grand Postcard From Earth, composé de six titres, tous déboussolants. L’album handmade, avec une poignée d’amis et des instruments très improbables, a été construit autour des paroles et quelques accords dans une improvisation presque totale. Le dernier morceau « Manhattan » est un projet bruitiste, qui traînait dans sa tête depuis longtemps : pour le construire, il a eu l’idée fraîche d’inviter 9 musiciens à développer une ligne de guitare chacun autour de sa ligne de basse. Il mixe alors le bazar et réalise un étrange capharnaüm, à la limite du supportable mais parfaitement addictif. La discographie de Sam Nolin est donc tout en spontanéité et en vitalité, teintée des accents rêches des songwriters légendaires auxquels il rend régulièrement des hommages révérencieux. Le résultat n’est pas chiche, mais, au contraire, nourri de toutes les expériences amassées et de toute l’érudition tapageuse du garçon.

Je le coince entre deux trains pour lui poser quelques questions, juste avant son concert ; il est un peu anxieux, mais me raconte quand même des tas de petites histoires passionnantes…

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Pinkushion : Bon alors, comment tout ça a-t-il commencé ?

Je dois dire qu’au collège, la flûte m’avait désespéré, par contre, plus tard, bien plus tard, mon voisin d’en face a jeté une guitare nylon déglinguée (je l’ai encore) le manche tenait en équilibre grâce aux cordes et dedans il y avait un pin’s « U2 War ». J’ai tellement galéré à le virer de la caisse sans faire tomber le manche que depuis je hais Bono. Ce fut la découverte du lo-fi donc et « l’histoire » commence. Puis, un samedi de janvier 2008, je devais choisir entre aller faire des balances pour mon premier « vrai » concert (c’était à Béthune) ou passer mes partiels de géo. Je suis allé à mon examen et j’ai juste écrit « La mort de Carlos m’ayant trop attristé, il me fut impossible de réviser durant ma période de deuil » ; je me suis barré et j’ai été faire mes balances : je ne pouvais rater ça pour rien au monde. J’ai eu un 5 à l’exam. Le live était enregistré et à été chroniqué sur un malentendu dans Magic… à Lille on en rit encore… Depuis je suis barman, alors bon !
Ma première cassette c’était « I shot the sheriff  » (de Marley, pas Clapton hein !), un Cd de Pow Wow, mais on s’en fout car le premier vinyle que j’ai eu c’était Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band, et c’est le même premier disque que Vincent Gallo !

Quels sont vos derniers bons souvenirs musicaux ?

Arlt à la Java et une « répét’ » avec Sammy Decoster aussi ! Et définitivement, l’écoute d’un live inédit de Bill Fay, j’en frissonne encore. Ce jour-là je me suis dit « Putain, c’est quand même cool de passer son temps à fouiner dans des endroits pas possible des trucs dont tout le monde se fiche ». La satisfaction de dégoter des pépites après une longue obstination n’a pas de prix, sauf pour mon banquier qui doit faire la gueule.

Qu’est ce qui vous travaille en ce moment ?

En ce moment j’écoute beaucoup de musique classique, notamment sur scène. J’ai des envies symphoniques, je travaille sur des arrangements ambitieux, cela me prend beaucoup de temps.

Vous avez des certitudes ?

Je n’en ai pas, il y a toujours des bifurcations. La seule chose dont je suis sûr c’est que je me marierai à 70 ans avec Sœur Hadewijch, et le grand rouleau (référence à Jacques le Fataliste de Diderot) est très bien écrit comme cela !

Quel est le dernier disque que vous avez écouté ?

Rêve de silence de Les Goths. Enregistré en 68, l’acétate (1ère presse de disque ou « test pressing) a disparu pendant plus de 40 ans, il vient de sortir pour la première fois. Le groupe avait tout pour réussir, il aurait pu s’appeler « The Bertrand Cantat Experience ». Ce groupe français complètement psychédélique n’avait rien à envier à ces contemporains des states.

Quelles sont vos influences les plus nettes ?

Simon Finn et Bill Fay sans hésitation. La première fois que j’ai entendu Pass the Distance je me suis dit que je voulais faire pareil, voilà pourquoi mon dernier disque est dédié à Simon Finn. C’est un hommage, il a clairement changé ma vie. Je me suis acharné pour le rencontrer, je suis allé à Brighton pour le voir, depuis nous sommes amis, la vie est parfois incroyable ! Bill Fay est logiquement venu peu après, à chaque fois que j’écoute l’un de ses deux disques j’ai l’impression d’être amoureux pour la première fois, c’est très agréable.

Vos nourritures préférées ?

J’adore le pigeon (celui que cuisinait ma grand-mère) et le Jack Daniel’s.

Quel rapport entretenez-vous à l’histoire de la musique ?

À part en faire, je passe mon temps à écouter de la musique, j’achète une quinzaine de vinyles par semaine et pour en revenir à la question d’avant : j’essaye de manger le moins possible pour pouvoir acheter plus de disques, quand j’écoute un disque j’en cherche l’histoire en même temps, ma curiosité est sans limite, cela fait 10 ans que je fais ça et je pèse a peine 50 kilos, par contre ma discothèque pèse une tonne ! En fait je pense que mon but ultime c’est d’être un dictionnaire du rock ambulant.

Que lisez-vous actuellement ?

L’autobiographie de Keith Richards… bah oui, quoi d’autre !

Avez-vous des obsessions ?

L’Amour, La Mort et Dieu… Sœur Hadewijch en somme !

Comment arrivez-vous à faire de la musique ?

L’instinct je pense… ma grand-mère ne comprend toujours pas non plus.

Quelle place lui donnez-vous dans votre vie ?

Dans mon appartement, 80% des choses qui traînent sont en rapport avec la musique. À peu près ça, donc.

Pourquoi faites-vous de la musique ?

Parce que je suis amoureux et que j’ai peur de mourir, l’impression de laisser une trace me rassure, mais surtout parce que je suis amoureux.

Qu’allez-vous faire maintenant ?

J’espère toujours faire le maximum de choses en un minimum de temps, parce que j’ai peur de mourir donc. Et puis je suis insomniaque, alors je regarde des DVD toute la nuit. Je suis un passionné de cinéma. J’ai le projet de faire un troisième album qui est déjà bien commencé. Ensuite j’arrête et je fais un film.

Vous avez vraiment programmé d’arrêter la musique ?

Oui, je suis un fan d’Indiana Jones, et je me dis qu’une trilogie c’est bien (le quatrième Indiana Jones est moins bon). Et puis j’ai fait ça pour la femme que j’aime alors voilà, c’est fait.

Sœur Hadewijch ?

Oui.

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– Discographie de Sam Nolin par Sam Nolin :

Sunrise & Supermarket est enregistré avec un appareil photo numérique sur deux ans et demi de temps, avec juste des guitares à 3 ou 4 cordes jamais accordées ; j’en ai fait le « mixage » avec Adobe Première. J’ai appris la guitare après avoir fini ce disque, tout est instinctif dessus, je ne sais pas ce que je jouais et je ne saurai plus le jouer à l’identique, c’est impossible ! En gros, dans l’ensemble, c’est du bidouillage, du riff collé bout à bout !

Trough the distance c’est un live avec 4 morceaux de la tournée New Yorkaise et 4 morceaux d’un concert à Lille, (édité à 15 exemplaires utilisés pour une tournée à Berlin). Composé de morceaux des O’folk brothers (mon ancien groupe) de certains morceaux du prochain disque et de quelques autres du premier album (et une reprise de Bill Fay cachée aussi).

Postcard From Earth est le premier disque que je réalise avec une production, c’est-à-dire que même si ça reste du bricolage et un esprit lo-fi, le produit final est présenté en « hi-fi ». Il est très différent du premier, il est un hommage à « Pass the distance » de Simon Finn ainsi qu’à toutes les bizarreries acides des 70’s !

– Le Lo-fi par Sam Nolin : « Aptitude juvénile à faire de la musique avec des guitares cassées dans sa piaule avec un outil d’enregistrement lambda avant d’oser un jour envoyer des maquettes de très mauvaise qualité à des gens qui trouveront ça tout d’abord inaudible, nul et mal joué, puis se rendre compte qu’existe une communauté d’extra-terrestres autour de Daniel Johnston ou Smog, et là se sentir moins seul. Le Lo-Fi est le contraire de la démonstration, il est une expression brute bien pratique pour les émotifs. Pour résumer je préfère écouter un mec avec une guitare à 1 corde hurler à la mort comme si sa vie en dépendait que d’écouter Joe Satriani se branler la nouille avec une guitare à 7 cordes. »

– La Bande son du film que Sam Nolin n’a pas encore réalisé :

Les Goths – Le Jour Était Gris (Rêve de Silence)
Simon Finn – Laughing’ Til Tomorrow (Pass The Distance)
Bill Fay – We Have Laid Here (Bill Fay)
Arlt – Trois Dont Deux Ensemble (La Langue)
Sonny Sharrock – Black Woman (Black Woman)
Serge Gainsbourg – Ha Melody ! (Histoire De Melody Nelson)
King Crimson – Islands (Islands)
The Ofo Black Company – Allah Wakbar (Single 45 tours)
Billy Joel – Just The Way Are (The Stranger) ps : j’ai aussi des goûts de merde par moment
Riz Ortolani – Cannibal Holocaust Theme (BOF Cannibal Holocaust)
Les Talismans – L’interplanétaires (Single 45 tours)
Can – Sing Swan Song (Ege Bamyasi)
Leo(88Man) – Take Life As It Comes (Million Silly Answers)
Jackson C.Frank – Dialogue (Jackson C.Frank)
Black Sabbath – Planet Caravan (Paranoid)

– La page Myspace de Sam Nolin