La charmante américaine Joan Wasser est passée de fan de soul à soul woman. Délicieux.


Disons le d’emblée, notre attachement à Joan as Police Woman ne date pas d’hier. Rencontrée à l’occasion de son premier album (Real Life), la charmante chanteuse nous avait laissé songeur. Son deuxième opus (To Survive), épreuve pour laquelle les chroniqueurs vous attendent sur le qui-vive, avait été accueilli avec enthousiasme. Seule petite ombre au tableau dans la suite de son parcours, le pétard mouillé que fut la sortie, en 2009, d’un album de reprises. Aujourd’hui, elle aurait pu, comme d’autres, nous inonder de remixes, de duos douteux, de chutes de studio, d’un live ou, mieux (pire, c’est selon), de bandes retrouvées où elle jouerait deux-trois accords (violoniste de formation, elle pratique aussi du piano et de la guitare) avec feu son ex compagnon Jeff Buckley. On imagine déjà le buzz… mais elle et son label nous ont épargnés ces bassesses, trop souvent cousues de fil blanc. Et la voilà de retour avec The Deep Field — référence aux champs magnétiques captés par le télescope Hubble) — véritable nouvel album, qui suit la voie tracée par ses deux prédécesseurs, et confirme que Joan as Police Woman possède pas mal de cordes à son archet (wouaf!).

Comme le suggèrent le titre de l’album et la pochette, Joan Wasser a été délivrée, et semble en remercier les cieux : une véritable invitation à la méditation ! Il y a dix ans, l’image aurait pu aisément induire en erreur les fanas de new age… ici, ça traduit bien l’esprit dans lequel elle a conçu et enregistré l’album : en ouvrant grand les vannes.

Ingrédient qui survitamine tout le reste, cette liberté apporte une complexité qui baigne l’auditeur dans un maelström digne d’Alice aux pays des merveilles ou Charlie et la Chocolaterie. Les chansons se laissent, de prime abord, moins facilement accaparer et il faut un certain temps pour déguster l’ensemble, tant sommeillent, ici et là, des fanfreluches sonores diverses et variées, mais jamais utilisées à tort et à travers. De plus, les plages sont longues. Le décorum — orgues, cuivres — déjà recherché auparavant, devient carrément travaillé, minutieux, et on peut sans façon le qualifier de travail d’orfèvre. Pourtant, Joan Wasser déclare avoir laissé beaucoup de place à l’improvisation, tout en n’hésitant pas à faire, défaire et refaire les sessions d’enregistrement. La réussite est indiscutable. On notera par ailleurs des chœurs exquis, qui donnent tantôt dans le langoureux, tantôt dans le sensuel, autant dans les aigus que dans les graves. La Soul, que Joan disait admirer, est devenue une manière d’être et de penser, et articule l’album. Joan Wasser a été prise en flagrant délit de soulitude. Voilà qui fera plaisir aux théoriciens du déterminisme : à force de s’imprégner de Stevie Wonder, Al Green et Marvin Gaye, on finit probablement par faire partie de la famille.

Et comme cette mouvance implique un travail sur soi (telle l’heuristique chère à Socrate), Joan n’a plus peur de tout montrer, tant elle se sent plus forte‚ l’entend-on susurrer, à l’aise désormais dans le lâcher prise. On entend sourire derrière le microphone et l’espièglerie s’est invitée à la table de mixage

Enfin, et surtout, Joseph Arthur est venu encore une fois prêter voix forte. Il crée ici des bruits gutturaux sensationnels, qui permettent à la soul woman d’avoir un back up du plus bel effet. On s’en voudrait d’oublier de mentionner la batterie de Ben Perowsky, qui brille par sa précision. Un bon album en somme.

Le site de Joan as Police Woman.