C’est l’histoire d’un pianiste indie pop qui ne tient pas en place sur son tabouret. Au détour d’investigations fiévreuses, quelques miroitements mélodiques exquis.
Bel et bien répertorié sur Paname, (Please) don’t Blame Mexico est le projet du chien fou Maxime Chamoux. Parmi ses états de service, ce pianiste/chanteur échevelé est aussi l’un des trois compositeurs de Toy Fight, dont le premier album paru en 2009 eut le privilège d’une distribution sur le label berlinois City Slang (cocorico !). Prestige mis à part, le jouet en question ne nous avait que relativement amusés : des chansons finement fignolées mais dénuées de grippe mélodique, essence tellement cruciale. Tout le contraire de (Please) don’t Blame Mexico qui carbure à la frénésie pop.
Curieusement, le rapprochement avec une certaine meute hirsute canadienne ne nous avait pas autant frappés du temps de notre première rencontre avec (P)DBM et son mini-album Carolina Now ! (2009). Sur Concorde, premier album supersonique digne de ce nom, il n’y a plus de doute : les débordements pianistiques, les constructions proto punk/progressif rivalisent avec les mélodies les plus abracadabrantes du pianiste/chanteur Spencer Krug, la touche raffinée européenne en sus. Toutefois, s’il fallait piocher des cartes dans la famille montréalaise, on demanderait Sunset Rubdown et Frog Eyes plutôt que les assourdissants Wolf Parade. La principale raison est l’omniprésence du clavier, un peu bastringue, un peu lo-fi, et régulièrement maltraité avec perversité par son démiurge (“The Behinders”, “The Speed of Lies”).
Désormais en configuration serrée, le trio emmené par Chamoux – le groupe existe depuis 2006 mais a connu plusieurs remaniements – nourrit manifestement une idée fixe, « dédomestiquer » le format pop. On se pique dès le décollage de “The Protocol” et ses envolées glam-pop hérissées. Thomas Pirot, batteur diplômé de haute-voltige chez les post-rockers Nelson, réquisitionne même quelques casseroles sur le frétillant folk “Bringing Lonesome Drivers”. Les titres récupérés sur les EPs précédents témoignent déjà d’une variété de styles détonante (“Michel Foucault”, “The Behinders”, « 1911 »), comme si le trio devait impérativement se consumer dans l’action en goûtant aux plaisirs défendus, remonter la grande horloge pour marquer des points.
Toute course effrénée qu’il est (compositions brèves et sans détours), ce rock mélodique tendu n’empêche pas quelques excursions hors des sentiers connus : le Fender Rhodes frénétique du tribal “Elephant Man” » nous parle à livre ouvert de Stevie Wonder, avec en sous-texte un traitement quasi No wave et tribal. Ou encore les cuivres enjoués inattendus, sur les couplets précieux et aristo de “Durango”. Dans les dernières courbes se cache une voie plus éthérée. Maxime Chamoux, qui a réalisé des illustrations sonores pour des documentaires, s’autorise quelques instrumentaux atmosphériques : sur le morceau qui donne son nom à l’album, et en avant-dernière ligne, le fascinant “L’ondée” aux nappes liturgiques et sa transition lunaire “1911”. Ces deux suites n’auraient pas dépareillé sur le Before and After Science de Brian Eno. Concorde, nouveau fleuron de l’indie pop française, un modèle unique à conserver précieusement.
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