Nouveau venu dans la confrérie des songwriters antidatés, un orfèvre canadien donne du lustre aux racines folk, trouvant une place de choix entre M. Ward et Bon Iver.
Si révélé l’an passé, Timber Timbre et son blues-folk intemporel ne saurait être né de la dernière pluie. Le Canadien Taylor Kirk, ermite précoce originaire de Brooklin (Ontario), poste en effet depuis 2005 des albums lettrés sous ce curieux patronyme. Le petit succès récolté par son opus sans titre (paru en France voilà tout juste six mois, mais remontant à 2009), l’a sorti de sa cabane agreste, où il a déjà accumulé trois bons disques « Iverien ».
Rompant avec les habitudes autarciques et l’artisanat des productions précédentes, Creep on, Creepin’ on a été enregistré dans différents lieux, dont une église convertie en studio. D’où peut-être cette dimension spirituelle prégnante qui imprègne cet album, définitivement son plus audacieux. Tout en réévaluant l’esthétique dépouillée qui le caractérisait jusqu’ici, ce quatrième effort subjugue par la beauté de ses arrangements gutturaux. Par-delà son écrin chatoyant, écho nostalgique d’un autre temps, Creep on, Creepin’ on développe des mini orchestrations très chiadées (violons, scie musicale) qui ne se contentent pas simplement de faire de la figuration. Timber Timbre nuance ses harmonies, met scrupuleusement en scène des atmosphères.
Surtout, ne pas tomber dans le piège en tentant de lever le mystère sur cette musique sans âge : tout jeu de piste aux influences serait inutile. En revanche, il y aurait beaucoup à écrire sur le degré de miroitement qui traverse ses chansons. Timber Timbre se plait à jouer sur les dichotomies, avec de subtiles itérations de noir et blanc, bien/mal, jour/nuit. En ce sens, la ballade « Lonesome Hunter », pourrait très bien faire office de bande son imaginaire de La nuit du chasseur, lors de l’inoubliable poursuite surnaturelle avec le terrifiant pasteur Harry Powell. Le rapprochement est d’autant plus troublant que Taylor Kirk est un parolier mystique, aux textes ambigus, pieux au premier abord, mais dont l’ambiance douce et feutrée dégage un je-ne-sais-quoi de malsain.
Manifestement obsédé par le 7e art, le pèlerin multi-instrumentiste égrène entre deux sublimes pop songs quelques séquences instrumentales surréalistes, mâtinées de cordes oppressantes, voire terrifiantes. Certaines ayant d’ailleurs plus à voir avec un vieux film d’épouvante de la Hammer que la folk rupestre (“Obelisk” et “Swamp Magic”). On joue même littéralement dans la cour de Rock Bottom , avec l’aurore finale “Souvenir”, formidable instant d’errance, magistralement maîtrisé.
Pourtant, quelques mélodies pop mémorables (“Creep on Creepin’ On”, l’enlevé “Too Old to Die Young”), rappellent que, avec son timbre de « hobo » déférent au swamp blues, Taylor Kirk incarne une certaine idée de la pureté, conférant à sa musique une sagesse bienveillante. Timber Timbre balance ainsi avec grâce entre l’ombre à la lumière et inversement. Et c’est là tout son génie.
– Site de Timber Timbre
– Page Myspace
« Woman » en vidéo :